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20 Février 2010
Mémorandum à l’attention de Monsieur le Premier Ministre
« Pour une loi relative au séjour des étrangers, respectueuse des engagements internationaux du Maroc, garantissant le droit d’asile, les droits de la défense et consacrant les principes de non-discrimination et d’égalité de tous devant la loi »
Excellence, six années se sont écoulées depuis l’adoption du dahir N° 1-03-196 du 11 novembre 2003, portant promulgation de la loi 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l’émigration et l’immigration irrégulière (ci-après désignée par « loi 02-03 »). Six années de mise en œuvre marquées par plusieurs évènements dramatiques, qui ont constitué autant d’occasions pour confronter l’application des dispositions de la loi 02-03 et sa conformité avec les engagements contractés par le Royaume du Maroc devant la communauté internationale, notamment les engagements nés suite à la ratification par le Royaume du Maroc de la convention internationale pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles ainsi que la convention de Genève relative à la protection des réfugiés.
Durant ces six années, les organisations œuvrant dans le domaine des droits humains au Maroc et à l’étranger ont élaboré des rapports et produit des remarques qui pointent du doigt la gestion par les pouvoirs publics des événements de Ceuta et de Melilla en octobre 2005 et les refoulements collectifs qui s’en sont suivis. Ce fut également le cas durant les opérations d’arrestations et de refoulements intervenus dans plusieurs villes du Royaume en décembre 2006 et les autres opérations déclenchées tout au long des mois qui ont suivi.
Les rapports produits concordent au niveau de la faiblesse de l’application des dispositions protectrices contenues dans la loi 02-03, dispositions censées garantir les droits de la défense des étrangers, que ce soit au stade de l’interpellation, de la garde a vue, de la présentation devant le procureur ou de la notification de la décision de l’administration, notification censée ouvrir la voie dans l’esprit du législateur, pour l’introduction de recours contre les décisions illégales de l’administration.
Excellence, sans revenir sur l’absence de débat lors de l’adoption de la loi 02-03 en novembre 2003, nous considérons que les dysfonctionnements constatés au niveau de l’application de la loi 02-03 durant ces six dernières années, rendent nécessaire l’ouverture d’un débat national autour de la Loi 02-03 avec comme objectifs, la refondation de celle-ci sur la base du respect des droits de la défense, la consécration du droit d’asile, des voies de recours et la protection effective de tous les droits fondamentaux tels qu’ils sont garantis par la constitution du Royaume et par les engagements pris devant la communauté internationale.
Pour ces raisons, nous vous demandons, Monsieur le Premier Ministre, d’élargir le débat actuel mené sous l’égide du Conseil Consultatif des Droits de l’Homme en association avec le Haut Commissariat des Nations unies aux Réfugiés aux questions relatives à la consécration effective des droits de la défense de tous les étrangers au Maroc quel que soit leur statut administratif.
La non prise en compte de ces aspects ne ferait que reconduire les violations que nous constatons depuis quelques années et dont vous trouverez, ci-dessous, quelques recommandations.
Nous vous prions, Monsieur le Premier Ministre, d’agréer nos salutations distinguées.
Association GADEM Copie à Messieurs : Le Ministre de la Justice, le Ministre des Affaires Étrangères et de la Coopération, le Ministre de l’Intérieur, le Ministère du Développement, de la Famille et de la Solidarité, le Président de la Chambre des Représentants, le Président de la Chambre des Conseillers, le Président de la Commission de Justice et de la Législation des Droits de l’Homme, le Président de la Commission de la Chambre des Représentants, le Président de la Commission de la Chambre des Conseillers, Les Présidents des Groupes Parlementaires, Le Président du Conseil Consultatif des Droits de l’Homme.
Quelques recommandations
* Au niveau du droit d’asile Recommandations Ouvrir un débat national concernant l’introduction de la dimension asile dans la loi 02-03 en y associant l’ensemble des personnes concernées, le Haut Commissariat des Nations unies aux Réfugiés, le Ministère des Affaires Étrangères et de la Coopération, le Ministère de l’Intérieur, le Ministère du Développement, de la Famille et de la Solidarité ainsi que les organisations de terrain.
* Au niveau des décisions de l’administration, de leur notification et de la garantie des droits de la défense Recommandations Introduire dans la loi 02-03 l’obligation pour l’administration de notifier à l’étranger les décisions de maintien en zone d’attente, de reconduite à la frontière, d’expulsion, fixant le pays de renvoi et de placement en rétention administrative dont il fait l’objet.
Faire en sorte que ces décisions soient obligatoirement écrites et motivées. Les voies et délais de recours doivent y être mentionnés. Elles doivent être notifiées à l’étranger dans une langue qu’il comprend.
Intégrer dans la loi 02-03 le droit pour l’étranger de demander l’assistance d’un interprète, d’un médecin, d’un avocat et de communiquer avec toute personne de son choix. Intégrer dans la loi 02-03 l’obligation pour l’administration d’en informer l’étranger, et ce, dans une langue qu’il comprend.
Intégrer dans la loi 02-03, la mise en place d’un système de contrôle du respect par l’administration de son obligation d’informer l’étranger de tous ces éléments quel que soit la procédure. Le président du tribunal de première instance ou son délégué doit pouvoir contrôler la régularité de la procédure. En cas d’irrégularité de la procédure, cette dernière devrait être entachée de nullité.
* Au niveau du recours effectif. Recommandation Intégrer dans la loi 02-03 un recours suspensif, qu’il s’agisse d’un recours en première ou deuxième instance notamment concernant les dispositions des articles 24, 30, 34 et 37.
* Au niveau des décisions prises par une autorité non compétente. Recommandations Monsieur le Ministre de la justice devrait donner des instructions claires au parquet pour qu’il s’abstienne de prendre des décisions qui sont normalement du ressort de l’administration (en application de la loi 02-03), notamment concernant l’article 21 de ladite loi.
* Au niveau de la reconduite à la frontière de personnes protégées. Recommandations Ajouter des dispositions relatives à la protection des demandeurs d’asile et des réfugiés dans l’article 26 de la loi 02-03 et abroger l’article 27 du fait qu’il vide l’article 26 de son contenu.
* Au niveau de la notion d’ordre public Recommandations Préciser la notion d’ordre public prévue dans les articles 4, 14, 16, 17, 21, 25, 27, 35, 40 et 42 de la loi 02-03 qui reste très vague et ouvre la voie à l’arbitraire en l’absence d’une nomenclature claire et précise des actes qui peuvent être qualifiés d’atteinte à l’ordre public, ce qui pourrait laisser la porte ouverte au non respect des droits de la défense.
* Au niveau de la criminalisation de la sortie du territoire Recommandations Faire en sorte que le choix de sortie du territoire ou d’émigration ne soit plus perçu comme un délit quel que soit le statut administratif (article 50 de la loi 02-03), car contraire aux dispositions du droit international, notamment spécifiées dans la Déclaration universelle des droit de l’Homme (article 13), et en contradiction avec les dispositions du préambule de la constitution marocaine.