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20 juin 2010
Communiqué du GADEM à l’occasion de la journée des réfugiés
Les réfugiés sous la protection du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) ne sont aujourd’hui toujours pas reconnus par le Maroc, ce qui les prive, au mépris des persécutions subies et reconnues, d’une protection effective et de l’accès aux droits inhérents au statut de réfugié.
Le Maroc a pourtant ratifié la Convention de Genève relative au statut de réfugié (1956) et son protocole (1971), a adopté un Décret royal en 1957[1] et reconnu la présence et le rôle du HCR par la signature d’un accord de siège (2007). Les modalités d’application de la Convention, et en particulier le rôle du Bureau marocain des réfugiés et apatrides (BMRA), prévu dans le décret, demeurent lettre morte.
Les engagements du Maroc auprès de l’Union européenne (UE), en particulier dans le cadre du statut avancé, ne semblent pas non plus influer sur un meilleur respect du droit d’asile. Au contraire, les craintes, par ailleurs justifiées, du Maroc de se voir transférer la charge de l’accueil des réfugiés, semblent geler les avancées dans ce domaine. A ce titre, l’UE a conditionné[2] son soutien en la matière à la signature de l’accord de réadmission UE-Maroc[3], alors même qu’un tel accord, selon les standards européens, ne devrait pas être signé en l’absence d’une réelle protection des réfugiés.
Des avancées ont néanmoins pu être constatées ces dernières années. Les forces de l’ordre semblent plus sensibilisées à l’obligation de non-refoulement des réfugiés et demandeurs d’asile, le HCR peut intervenir plus facilement auprès de la police et la gendarmerie en cas d’arrestation d’une personne sous sa protection, un projet de loi serait en préparation et, au niveau de la procédure de détermination du statut de réfugié du HCR, les décisions de rejet sont aujourd’hui motivées par écrit.
Toutefois, le GADEM s’inquiète des violations persistantes des droits des demandeurs d’asile et des réfugiés.
Un accès limité à la demande d’asile
Pour solliciter une protection auprès du HCR, les personnes ont toujours l’obligation de se déplacer au bureau de l’organisation à Rabat. Aucun mécanisme n’a pu être mis en place permettant de demander l’asile sans se rendre dans la capitale. Etant donné les risques d’arrestation lors des déplacements, cet état de fait limite considérablement l’accès à la procédure d’asile. Aucun dispositif n’existe non plus permettant aux personnes se trouvant aux frontières terrestres et aéroportuaires d’exprimer leur besoin de protection, y compris auprès des autorités. De plus, les personnes qui ont réussi à se rendre à Rabat et obtenu une feuille de rendez-vous auprès du HCR en vue de leur enregistrement ne disposent pas non plus d’une protection contre le refoulement. Ce document est sans aucune valeur auprès des autorités et le HCR n’intervient pas en faveur du demandeur en cas d’arrestation durant cette phase de pré-enregistrement qui peut durer plus d’un mois. De fait, des demandeurs d’asile risquent d’être refoulés à la frontière, sans respect de l’obligation internationale de non-refoulement et de la législation marocaine[4].
Des arrestations et des refoulements qui persistent
La protection contre les refoulements des demandeurs d’asile formellement enregistrés au HCR et des réfugiés reconnus demeure également incertaine. Si, de fait, ils sont souvent « épargnés » des refoulements, ils continuent d’être arrêtés et l’intervention du HCR est presque toujours nécessaire à leur libération. Intervention qui nécessite que le demandeur d’asile ou le réfugié soit en mesure de contacter le bureau du HCR ou que les forces de l’ordre en prennent l’initiative.
Un titre de séjour qui demeure inaccessible
Malgré ses obligations internationales et l’existence d’un cadre juridique minimal mais suffisant pour permettre une reconnaissance des réfugiés et des droits inhérents à ce statut, ces derniers ne parviennent pas à obtenir de carte de résidence. La loi 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Maroc, à l’émigration et à l’immigration irrégulière impose en effet la condition d’une « entrée régulière » pourtant contraire au droit international des réfugiés[5]. Cette impossibilité les prive de la plupart de leurs droits tels que l’accès au travail, le mariage, le rapprochement familial ou encore la liberté de circulation sur le territoire national et à l’extérieur du Maroc. Les réfugiés ne bénéficiant pas de documents de voyage, ils sont bloqués au Maroc. Ils sont également discriminés pour l’obtention de la plupart des documents d’état civil et, au-delà, de l’absence de titre de séjour, l’accès au travail est entravé par la non-application des dispositions de la Convention de Genève[6] les exemptant de l’obligation d’autorisation de travail auprès du ministère de l’Emploi.
Le GADEM, en accord avec la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, demande :
Que dès l’instant où ils se sont présentés au HCR pour demander l’asile les demandeurs soient protégés contre toute mesure d’éloignement ;
Que les demandes d’asile aux frontières – terrestres ou aériennes – puissent être examinées ;
Qu’aucun réfugié ne soit sanctionné pour son entrée irrégulière sur le territoire marocain et qu’un titre de séjour et un document de voyage soit remis à tout réfugié qui en ferait la demande. En l’absence de réponse du BMRA, le GADEM demande à la Justice de se positionner de manière indépendante, en accord avec la législation marocaine et les engagements internationaux du Royaume ;
Que la liberté de circulation des réfugiés soit reconnue et qu’aucun étranger ne soit victime de discrimination dans l’accès aux transports ou lors de contrôles par des agents non compétents ;
Qu’une réponse soit apportée aux réfugiés reconnus par le HCR ayant exprimé le souhait légitime d’obtenir un titre de séjour. ;
L’ouverture d’un débat national sur le cadre juridique relatif à la dimension asile en y associant le HCR, les ministères des Affaires étrangères et de la Coopération, de l’Intérieur, du Développement, de la famille et de la solidarité, de l’Emploi ainsi que les personnes ressources concernées, les organisations de terrain et les réfugiés et demandeurs d’asile eux-mêmes.
Enfin, le GADEM tient à rappeler que l’amélioration du respect des droits des réfugiés au Maroc est une nécessité et ne doit pas être utilisé par les Etats membres de l’Union européenne comme alibi pour s’exempter des obligations internationales qui leur incombent en matière de protection des réfugiés. Fin février 2010, la population réfugiée au Maroc était constituée de 807 personnes dont 551 familles, 205 mineurs et 143 femmes, sur une population de 30 millions de Marocains et de 51 435 étrangers[7].
[1] Décret royal n°2-57-1256 du 2 safar 1377 (29/08/1957) fixant les modalités d’application de la Convention relative au statut des réfugiés signée à Genève le 28 juillet 1951. [2] Document conjoint UE-Maroc sur le renforcement des relations bilatérales/ Statut Avancé, octobre 2008. [3] Cet accord prévoit la réadmission par le Maroc des Marocains et de toute personne, en situation irrégulière en Europe et qui aurait transité préalablement par le Royaume. [4] Art.33 de la Convention de Genève et art.29 de la loi 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l’émigration et l’immigration clandestine. [5] Article 31 de la Convention de Genève : 1- Les Etats contractants n’appliqueront pas de sanctions pénales, du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers, aux réfugiés qui, (…) entrent ou se trouvent sur leur territoire sans autorisation, sous la réserve qu’ils se présentent sans délai aux autorités et leur exposent des raisons reconnues valables de leur entrée ou présence irrégulières. [6] Article 17-1 de la Convention de Genève : « Les Etats Contractants accorderont à tout réfugié résidant régulièrement sur leur territoire le traitement le plus favorable accordé, dans les mêmes circonstances, aux ressortissants d’un pays étranger en ce qui concerne l’exercice d’une activité professionnelle salariée ». En l’espèce, le traitement le plus favorable est la dispense d’autorisation de travail par le ministère de l’emploi pour les ressortissants de pays qui ont signé une convention d’établissement avec le Maroc (Algériens, Sénégalais, Tunisiens). [7] HCP, Recensement général de la population et de l’habitat, 2004 www.hcp.ma/pubData/Demograph…).pdf