Appelez nous : +212 (0)537-770-332
Par Pape Moussa DIALLO (Envoyé spécial à Rabat) – Le Laboratoire mixte international de recherche Movida (Lmi-Movida) et le Centre des études globales de l’Université internationale de Rabat (Maroc), en partenariat avec le Réseau marocain des journalistes des migrations (Rmjm) et le Collectif des communautés subsahariennes au Maroc (Ccsm), ont organisé un atelier portant sur l’information en lien avec les migrations et la déconstruction des préjugés. Tenue du 20 au 22 mai dernier, l’activité a permis de réunir journalistes, chercheurs et acteurs associatifs de divers horizons pour discuter d’un sujet d’intérêt commun pour la mutualisation des énergies.
Il y a des clichés qui résistent au temps. Pour favoriser un travail collaboratif, des temps d’échanges et de réflexions sur les enjeux, contraintes et opportunités liés aux modalités d’intervention des journalistes, chercheurs et autres acteurs des mouvements associatifs, le Laboratoire mixte international de recherche Movida (Lmi-Movida) et le Centre des études globales de l’Université internationale de Rabat (Maroc), en partenariat avec le Réseau marocain des journalistes des migrations (Rmjm) et le Collectif des communautés subsahariennes au Maroc (Ccsm), ont organisé un atelier portant sur l’information en lien avec les migrations et la déconstruction des préjugés. «Ceux qui bougent produisent», expose M. Farid El Asri. Une façon pour lui de mettre le curseur sur le traitement de l’information en lien avec la migration, la nécessité de revenir sur l’importance de la migration et ses aspects positifs dans la construction d’une communauté mondiale qui bouge, se brasse et interagit pour des mobilités plus humaines et respectueuses des droits humains, reconnaissant la place des migrants dans la marche du monde. En se prononçant sur les enjeux du traitement médiatique de la migration en Afrique de l’Ouest, Harouna Mounkaila, directeur de l’Ecole normale supérieure de Niamey, responsable du Germes et co-coordinateur du Lmi-Movida, explique : «La migration pose des défis et suscite des enjeux dans un contexte de multiplication des mécanismes de contrôle et de restriction de la mobilité.» Il cite une étude réalisée en 2020 par les Nations unies, qui renseigne que l’essentiel de la migration intra africaine s’effectue entre pays limitrophes.
Aujourd’hui, le traitement de l’information en lien avec la migration en Afrique de l’Ouest reste encore bourré de préjugés. Les récits aussi. Le directeur de l’Ecole normale supérieure de Niamey indique : «Malgré l’importance de la migration, sa couverture médiatique est peu développée.» Conscient de la force et de l’importance d’une bonne couverture des migrations pour la déconstruction des clichés, il poursuit : «La couverture médiatique de la migration impacte la façon dont les populations perçoivent et réagissent même avec les personnes migrantes.»
En plus de noter la faiblesse dans la diversité sur la production médiatique en lien avec les migrations en Afrique de l’Ouest, il est revenu sur certaines contraintes des médias africains, parmi lesquels leur «viabilité économique, la présence épisodique de la thématique migratoire dans le paysage médiatique africain, etc.». Faisant la genèse et les leçons de la «crise migratoire» de 2015, Driss El Yazami, ancien journaliste et président du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (Ccme), parle pour sa part d’une crise européenne qui a été généralisée par une amplification par voie de presse pour en faire une crise «mondiale».
On a assisté à plusieurs tragédies, des noyades, des naufrages, notamment de migrants du Moyen-Orient, de l’Asie du Sud. Cela a fait naitre une «crise d’accueil, une crise d’Europe ou encore de l’humanisme en Europe». La presse occidentale a eu un rôle prééminent dans la fabrication et la promotion d’un vocabulaire, d’un discours qui cachait toute une vérité dissimulée derrière des images et vidéos largement relayées, faisant passer le migrant pour une «personne vulnérable et dangereuse». «La perception de la migration s’était complément détachée de la réalité», a fait remarquer M. Driss El Yazami dans son intervention. La représentante de l’Unesco au Maroc, en plus d’être revenue sur la différence entre personne migrante et personne réfugiée, a insisté sur le fait d’accorder une place importante aux réfugiés dans le traitement de l’information en lien avec les migrations par les professionnels de l’information et de la communication. Socio-anthropologue à l’Institut de recherche et de développement (Ird), co-coordonnatrice du Lmi-Movida, Sophie Bava a expliqué l’importance d’une telle initiative.
Il s’agit, dira-t-elle, de «mutualiser les compétences pour mieux avancer entre journalistes, chercheurs et acteurs du milieu associatif».
A l’en croire, la migration est avant tout «une ressource». Revenant sur la prolifération des stéréotypes migratoires, Khrouz Nadia, enseignante-chercheuse à l’Uni-versité internationale de Rabat, rattachée au Centre des études globales et au Lmi-Movida, explique qu’on «travaille» depuis longtemps sur cette thématique. Toutefois, convient-elle, «on se rend compte que quelles que soient les recherches produites, les productions de certains journalistes, il y a toujours des idées préconçues, des narratifs qui circulent sur la migration et qui dénotent avec ce qui peut être constaté sur le terrain et les réalités».
C’est pourquoi elle n’a pas manqué de se féliciter de la tenue d’une rencontre qui, selon elle, permet de mettre «en commun des modes opératoires, les contraintes et réflexions sur le fond des problématiques que peuvent poser les enjeux de la migration». Ce, tout en essayant de mettre en lumière toute cette diversité migratoire dans la construction des individus, les solidarités, l’application des droits et des procédures, entre autres.
Au terme de la rencontre, Nadia Khrouz de retenir le besoin d’allier des connaissances théoriques et du terrain. Un travail qui doit se faire dans la continuité. Elle n’a pas manqué d’exprimer sa satisfaction de voir ce souffle nouveau, ce refus de soutenir des narratifs qui font non seulement du tort aux recherches, au travail journalistique, mais également à la vie de milliers de migrants, quel que soit par ailleurs leur parcours, route migratoire ou projet. L’atelier de Rabat avait pour objectif de soutenir les échanges, partages d’expériences et collaborations entre chercheurs, journalistes et acteurs associatifs, de favoriser une meilleure compréhension des enjeux et contraintes que posent les pratiques et démarches des uns et des autres, de contribuer à déconstruire certains préjugés relatifs aux phénomènes de mobilité et migratoires en Afrique mais aussi associés aux modalités de travail et d’intervention des chercheurs, journalistes et acteurs associatifs, et de soutenir l’amélioration de la production d’information sur les mobilités et la migration, entre autres.
Source : https://lequotidien.sn/focus-stigmatisation-des-migrants-voyage-plein-de-cliches/