Appelez nous : +212 (0)537-770-332
Une décision unilatérale de la RAM
Le 24 août 2019, M. BN, originaire du Congo Brazzaville et résidant en France depuis plus de 30 ans, était en transit à l’aéroport international Mohamed V de Casablanca en provenance de Brazzaville et en partance pour Paris. Au moment d’embarquer sur le vol pour Paris, la compagnie aérienne Royal air Maroc (RAM) a effectué un dernier contrôle et lui a refusé l’embarquement au motif qu’il ne disposerait pas de documents valides lui permettant d’entrer sur le territoire français.
M. BN réside pourtant régulièrement en France. Il avait quitté Paris le 14 juin dernier avec son récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour en cours de validité. Cependant, l’état de santé de M. BN, atteint d’un grave problème cardiaque, ne lui avait pas permis de prendre son vol de retour comme prévu le 1er août, mais seulement le 23 août, soit le jour de fin de validité de son récépissé. Le Consulat de France à Brazzaville, ainsi que la police aux frontières (PAF) française lui avaient assuré qu’il ne rencontrerait aucune difficulté. Mais les agents de la RAM ont refusé l’embarquement de M. BN sans vérifier sa situation auprès des autorités françaises et bien que la PAF marocaine, normalement seule habilitée à contrôler les documents de voyage, ne semblait opposer aucun refus. En effet, deux agents de la PAF ont assuré à M. BN ne pas comprendre sa situation et qu’il n’y avait pour eux « aucun problème d’ordre administratif ».
Cette première décision unilatérale de la RAM semble s’expliquer par la crainte de la compagnie de se voir sanctionner si elle achemine sur le territoire européen « des étrangers qui ne sont pas en possession des documents de voyage requis »(1).
La RAM fait du zèle et lui confisque son passeport
Face à l’obstination de la RAM, la famille de M. BN en France a décidé de lui acheter un nouveau billet avec la compagnie aérienne Air France qui, après avoir pris connaissance de tous les documents de voyage et de séjour en France de M. BN, avait accepté d’émettre le billet pour un vol prévu le 6 septembre 2019 à 18h10. Cependant, M. BN n’a pas pu prendre ce vol : « le chef d’escale de la RAM ne veut pas me rendre mon passeport » a déclaré M. BN au GADEM. La seule option offerte à M. BN par la RAM était un aller simple pour le Congo Brazzaville qu’il a refusé malgré les pressions de la compagnie pour tenter de le faire fléchir.
En effet, au début de son maintien en zone de transit, M. BN avait accès au « salon de la RAM » qui prévoyait un hébergement, un accès au sanitaire et des ravitaillements. Mais lorsqu’il a refusé d’embarquer sur un vol le renvoyant au Congo Brazzaville, M. BN a dû dormir à même le sol dans la zone de transit. Seuls des policiers de la PAF lui donnaient de quoi se nourrir et les médicaments que M. BN doit impérativement prendre pour stabiliser ses problèmes cardiaques.
À aucun moment, M. BN n’a reçu de notification écrite des autorités publiques marocaines et n’a été mis en position de faire valoir ses droits pendant ces deux semaines passées dans la zone de transit de l’aéroport. La RAM l’a finalement laissé prendre un avion le samedi 7 septembre 2019 en début 1 Article 48 de la loi n°02-03 et article 26 de la Convention d’application de l’Accord de Schengen d’après-midi pour rentrer à Paris sans plus d’explication. Le GADEM a reçu dans la soirée la confirmation de son entrée sur le territoire.
Une situation loin d’être exceptionnelle
Le GADEM a suivi plusieurs situations similaires, notamment en juillet 2017, celle d’un ressortissant angolais résidant régulièrement en France, resté en zone de transit pendant deux jours après que la RAM a refusé son embarquement sur un vol pour Paris (2). Même situation vécue fin janvier 2019 par une ressortissante nigériane résidante en France qui était restée huit jours en zone de transit.
Le GADEM dénonce ces pratiques constituant des atteintes graves à la liberté de circulation des personnes et demande :
– À la compagnie aérienne Royal Air Maroc : de mettre un terme aux pratiques abusives de contrôle de la documentation des passager-e-s et de refus d’embarquement. Le GADEM s’étonne notamment que des agents de la RAM aient confisqué le passeport de cette personne et puissent s’approprier impunément des prérogatives qui relèvent uniquement des pouvoirs publics dans le cadre de procédures bien déterminées ;
– Aux autorités marocaines : plus généralement, dans le cadre de la refonte du cadre juridique relatif au droit au séjour des étranger-e-s au Maroc, de réformer les dispositions relatives aux sanctions encourues par les transporteurs dont la formulation, les contours et les modalités de mise en œuvre, favorisent ces pratiques abusives, voire discriminatoires ;
– Aux autorités européennes et à ses Etats membres : de réformer les dispositifs de sanctions aux transporteurs imposés par les législations européennes qui de facto obligent des compagnies de transports à effectuer un travail qui relève des prérogatives des gardefrontières et délocalisent les contrôles des frontières européennes sans aucune forme de monitoring des pratiques mises en place.
(1) Article 48 de la loi n°02-03 et article 26 de la Convention d’application de l’Accord de Schengen
(2) Voir Communiqué de presse du GADEM du 28 juillet 2017 « Contrôle aux frontières : des sociétés privées font
la loi au sein de l’aéroport international Mohamed V de Casablanca ».