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Pour le GADEM (Groupe antiraciste d’accompagnement et de défense des étrangers et migrants au Maroc) cette approche, non conforme à notre Constitution et à nos engagements internationaux ainsi qu’à notre tradition d’accueil ancestrale, a engendré de graves problèmes de sécurité intérieure en portant atteinte à notre processus de démocratisation, a créé des différentiels de traitement légalement infondés entre les étrangers au Maroc et a écorché notre image. La responsabilité de l’application de la loi n°02-03 doit être étudiée sereinement.
Surtout qu’ayant pris conscience de cette réalité, le chef de l’Etat, le Roi Mohamed VI a décidé de changer radicalement de politique migratoire, notamment pour servir les intérêts de la Nation et le rayonnement du Maroc en Afrique. Les Directives Royales suites au rapport du CNDH veulent créer une rupture avec cette gestion et bannir certaines pratiques. Le gouvernement marocain est ainsi sommé d’élaborer une politique humaine qui respecte les fondements de la Constitution marocaine : c’est à dire une politique qui ne fasse pas de distinction entre les catégories d’étrangers, qui consacre leur égalité avec les Marocains en leur garantissant des droits tout en leur rappelant leurs devoirs, une politique qui sanctionne toutes les formes de discrimination et d’incitation à la haine raciale et qui permette l’enrichissement mutuel par des approches interculturelles. La création d’un Ministère dédié plus particulièrement aux questions de l’immigration est un signal fort pour montrer que le Maroc compte aborder dorénavant cette situation autrement que par des moyens strictement sécuritaires.
Depuis cette date, le Bureau des réfugiés et apatrides (BRA) réactivé a entrepris la reconnaissance des réfugiés déjà reconnus par l’UNHCR et le Ministre chargé des Marocains résidents à l’étranger et des affaires de la migration a annoncé une opération exceptionnelle de régularisation de certains étrangers en situation administrative irrégulière selon des critères définis par le ministère de l’Intérieur et la mise en place par la Délégation interministérielle aux droits de l’Homme (DIDH) d’une commission chargée de la mise à niveau du cadre juridique et institutionnel de l’asile, de la migration et de la lutte contre la traite des personnes.
Pourtant, si depuis l’annonce de la nouvelle politique migratoire, aucune rafle massive n’a été notée à Casablanca et Rabat, les ratissages et opérations d’arrestations collectives accompagnés, dans certains cas, de violences ont toujours cours dans la région Nord et celle de l’Orientale. On déplore plusieurs morts lors de ces opérations dont celle de Moussa Seck à Tanger le 10 octobre dernier « tombé » du 4ème étage lors d’une rafle de la police. Le GADEM déplore également le sort réservé par les forces de sécurités marocaines aux migrantes et migrants refoulé-e-s des enclaves espagnoles de Sebta et Melilla, expulsions dont le caractère légal n’est absolument pas fondé.
Le GADEM demande à ce que les conditions de confiance permettant la mise en œuvre de cette politique radicalement nouvelle, soient renforcées par la mise en place urgente d’un moratoire contre les expulsions et les réadmissions des migrants non ressortissants.
Concernant l’opération « exceptionnelle » de régularisation administrative, si la levée de la conditionnalité de l’entrée et du séjour régulier prévue par l’article 17 de la loi n°02-03 sur l’entrée et le séjour des étrangers est une avancée majeure vers une harmonisation d’avec les engagements internationaux du Maroc, les critères fixés pour les trois premières catégories, semblent être plus restrictifs que les dispositions des articles 17 et 18 de la loi. La vrai nouveauté concerne la régularisation des personnes pouvant justifier d’une présence de 5 ans sur le territoire, sous réserve de disposer de pièces justificatives et probablement d’un document d’identité. Ce qui, pour des « sans-papier » ne sera pas aisé ! Les étrangers atteints de graves maladies pourront aussi prétendre à la régularisation, même si aucune définition ni aucune liste n’ont encore été données. Nous pouvons également nous demander ce qu’il adviendra de tous ceux qui persistant dans leur volonté de quitter leur pays, souvent avec des raisons valables, comme pour les demandeurs d’asile, arriveront sur le territoire marocain ou y prolongeront leur séjour sans autorisation administrative après le 31 décembre 2013. Et s’agissant du droit d’asile, en l’absence de cadre juridique (bien que le dahir de 1957 ne soit pas abrogé) l’examen des dossiers déjà enregistrés par le HCR et les nouveaux enregistrements (quatre mille demande, selon des sources officielles) sont, jusqu’à ce jour gelés, sans qu’aucune disposition protectrice de cette catégorie de personnes ait été mise en place.
Le GADEM a conscience que le gouvernement fait preuve de bonne volonté afin de répondre aux Hautes Directives Royales allant dans le sens d’un meilleur accueil et traitement des étrangers en situation administrative irrégulière, mais demande à ce qu’on ne répète pas les erreurs du passé. L’étude critique de la loi n°02-03 et de ses conséquences, ainsi que des propositions doivent être faite dans ce sens.
Le GADEM, conscient que le rôle d’évaluation de l’action gouvernementale relève du ressort du pouvoir législatif, réitère sa détermination à soutenir une montée en puissance du rôle du parlement dans le monitoring de la nouvelle politique migratoire, notamment au niveau de la mise en œuvre d’un mécanisme de monitoring se basant sur une approche holistique (guide juridique pratique, témoignages des victimes et monitoring des médias) et permettant ainsi de mesurer périodiquement les progrès/régressions réalisés dans ce cadre.
Cet outil sera présenté lors de la conférence de presse organisée par le GADEM le 26 novembre 2013 à Rabat.
Pour finir, le GADEM tient à saluer et à remercier chaleureusement toutes les personnes et organisations, femmes et hommes politiques, journalistes, militants et militantes, membres de la société civile, simples citoyennes et citoyens, fonctionnaires, qui ont toujours cru dans le bienfondé de son action, à savoir défendre les droits des étrangers, lutter contre le racisme et promouvoir le multiculturalisme, et l’ont soutenu : le GADEM, après 7 ans de « clandestinité » administrative, vient de voir sa situation « régularisée » ! Le rôle des délégué-e-s du CNDH et de son président, M. Driss El Yazami, a été décisif. Nous les en remercions.
C’est pour le GADEM un signe nous encourageant dans nos combats. C’est le signe également que le gouvernement et l’Etat marocain sont sur la voie de la consolidation de notre Etat de droit.