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Un responsable d’une grande ONG internationale au Maroc est impliqué dans une sombre affaire de trafic de migrants. Principale victime, la communauté camerounaise a saisi la justice marocaine.
Le coordinateur du bureau de Caritas Maroc basé Meknès est dans le viseur de la justice, pour son implication présumée auprès de passeurs de migrants à Laâyoune. Le responsable serait intervenu à plusieurs reprises pour faciliter les départs en mer de sans-papiers vers les Îles Canaries. La plupart de ses victimes seraient des ressortissants camerounais, selon des informations recueillies par Yabiladi. Par le biais de son président, la Communauté camerounaise du Maroc (COCAM) a récemment saisi le tribunal correctionnel de première instance à Casablanca en demandant des poursuites contre le concerné, mais pour d’autres motifs.
Président de la COCAM, Mamadou Nghekoabe a porté plainte pour «escroquerie et abus de confiance, détournement d’avoirs avec mauvaise intention et atteinte à l’association», selon la correspondance envoyée au Parquet et consultée par Yabiladi. Il y reproche au mis en cause d’avoir plutôt «recueilli des sommes d’argent sur son compte bancaire auprès des membres de la communauté» qui n’auraient pas de titre de séjour leur permettant d’ouvrir un compte, de manière à ce qu’ils puissent laisser leurs économies en lieu sûr, «en attendant de retourner à leurs pays». La plainte ne cite pas la qualité du coordinateur au sein de Caritas.
L’homme aurait disparu de Meknès depuis plusieurs jours. Dans une première note d’information, la COCAM a dénoncé une «arnaque bien orchestrée» dont se sont plaints de nombreux Camerounais sur les réseaux sociaux, poussant l’instance à réagir. Elle a notamment décidé de suspendre le concerné de ses fonctions de vice-président du comité de transition de la COCAM, tout en se portant partie civile dans le cadre d’une enquête pour «établir la vérité». Par la même occasion, elle a invité toute victime à se tourner vers le bureau de l’association, pour «une action conjointe qui serait plus efficace». Elle a également promis de dépêcher une délégation à Meknès, pour s’enquérir de la situation.
Père de famille, le mis en cause aurait disparu car en réalité, «il se serait dirigé vers Laâyoune dans le but de rallier la Mauritanie», tandis que Caritas Maroc aurait elle aussi déposé plainte, selon les informations recueillies par Yabiladi.
Dissonances au sein de la COCAM et remises en question de Caritas Maroc
Mais au sein de la section de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) à Nador, l’éventuelle action tardive de Caritas Maroc suscite des interrogations. Membre de l’AMDH-Nador, chargé du dossier migration et asile, Omar Naji questionne la position de la représentation et le fait qu’elle n’aurait rien vu venir. Contacté par notre rédaction, le militant confirme en effet que le coordinateur «aurait agi pendant plusieurs années en recevant des sommes importantes sur son compte bancaire de la part de ressortissants sans-papiers, à qui il aurait promis de faciliter le passage vers les Îles Canaries depuis Laâyoune».
D’après Omar Naji, le mis en cause aurait touché «20 000 à 30 000 dirhams par migrant, afin de servir de ‘garant’ auprès des trafiquants dans la tentative de migration des victimes, qui seraient au moins 150 au total».
Alors que la première note d’information de la COCAM a circulé publiquement et a largement été diffusée par des membres de la communauté camerounaise, confirmant ces révélations, les membres de l’instance n’auraient pas accordé leurs propos. Dans une deuxième réaction, la COCAM a insisté que contrairement à ce qui lui a été attribué, le mis en cause n’aurait pas rempli de responsabilité de vice-président par intérim au sein de l’association.
Laissant entrevoir des divergences internes, la sortie de la COCAM est cette fois-ci initiée par son président exécutif, Blaise Ndedi Ndedi. Précédemment, le responsable a diffusé publiquement un avertissement écrit, adressé en novembre dernier à Mamadou Nghekoabe, où il est reproché à ce dernier d’initier des actions au nom de l’organisation. Sur la page de la COCAM, l’indignation des premiers jours au sein de la communauté a laissé place à une campagne de communication, selon laquelle le mis en cause dans l’«arnaque» aurait présenté ses excuses et promis de rembourser ses victimes.
A la suite des révélations, la COCAM a démenti l’adhésion du mis en cause à l’association, révélant à Yabiladi que le «comité de transition» dont il ferait partie est constitué «illégalement». L’ONG a saisi la justice en dénonçant une «usurpation». Porte-parole de la COCAM et chargé de la communication, Armel Djatche a déclaré à notre rédaction que Mamadou Nghekoabe «utilise le nom de la Communauté sans être habilité à le faire». Selon lui, «il ne peut pas y avoir de comité de transition à l’heure où l’organisation est gérée par un bureau exécutif et des instances démocratiquement élues, dont le mandat actuel est en règle».
«Nous apportons notre soutien inconditionnel aux victimes de trafic de migrant où cette personne est impliquée et nous soutenons une action de justice qui établit la vérité, mais nous refusons toute usurpation orchestrée par Nghekoabe. Le bureau exécutif a saisi la justice parce que cette personne a violé les statuts de la COCAM, au mépris des lois régissant les organisations non-gouvernementales dans un pays qui nous permet de créer une ONG pour notre communauté camerounaise», nous a déclaré Armel Djatche.
Source : https://www.yabiladi.com/articles/details/122425/maroc-coordinateur-caritas-implique-dans.html