Un millier de migrants ont essayé, mardi 8 mars, dans la matinée, d’entrer dans l’enclave espagnole de Melilla, sur la côte nord du Maroc, ont indiqué les autorités locales.
« Vers 06H00 du matin (05H00 GMT), le dispositif anti-intrusion du commandement de la garde civile a détecté un important groupe de migrants, formé d’environ mille personnes, qui s’approchaient de la clôture (de Melilla), de manière coordonnée et parfaitement organisée avant de se diviser en plusieurs sous-groupes », a expliqué la préfecture de Melilla dans un communiqué.
« Environ 400 personnes, de l’un de ces sous-groupes, ont réussi à atteindre la clôture » mais ont été stoppées par les forces de l’ordre marocaines, a poursuivi la préfecture.
Contacté par InfoMigrants, un migrant soudanais originaire du Darfour, qui préfère garder l’anonymat, affirme avoir été refoulé par les forces de l’ordre, mardi. Il dit vivre, depuis plus de quatre mois, dans « des conditions inhumaines » sur le mont Gourougou, situé dans la région de Nador, et être déterminé à passer en Espagne. « Je passe mon temps à essayer d’échapper à la police et aux forces de sécurité. Je n’ai aucune autre option, j’essaierai encore [de passer en Espagne], c’est sûr. »
> À (re)voir : « Vidéo : à Melilla, des passages en force quotidiens de migrants depuis le Maroc voisin »
Ces derniers jours, près de 6 000 tentatives ont été enregistrées pour rejoindre l’une des deux seules enclaves de l’Union européenne – avec Ceuta – sur le continent africain.
Concentration de migrants
Le 2 mars, environ 2 500 personnes ont essayé de pénétrer sur ce territoire espagnol, un record selon les autorités. Jeudi et vendredi, deux nouvelles tentatives, impliquant respectivement 1 200 et un millier de personnes, avaient eu lieu. Au total, 871 migrants ont réussi à entrer, mercredi et jeudi, à Melilla, par rapport à 1 092 sur l’ensemble de l’année 2021.
Les raisons de ces récents afflux, dans un laps de temps limité, restent floues.
En mai dernier, Ceuta, l’autre enclave espagnole d’Afrique du nord, avait vu l’entrée soudaine de plus de 10 000 personnes, en grande majorité des Marocains, par la mer ou la digue marquant la frontière, à la faveur d’un relâchement des contrôles, côté marocain, dans un contexte de brouille diplomatique majeure entre Madrid et Rabat.
Désormais, si les relations entre les deux pays sont toujours sources de tensions, d’autres facteurs pourraient expliquer le nombre record de tentatives, selon l’ONG espagnole Solidary Wheels Melilla, qui vient en aide aux migrants dans l’enclave.
Le Mont Gourougou est situé à côté de l’enclave espagnole de Melilla. Crédit : Google maps
« Le Covid a eu un impact car les frontières sont fermées depuis deux ans », explique Mar Soriano, assistante juridique pour Solidary Wheels, contactée par InfoMigrants. « Avant, il y avait des portes dans les clôtures qui permettaient aux travailleurs munis de visas de passer. Il y avait aussi un point de passage spécifique pour les demandeurs d’asile. Maintenant, tout est fermé. »
> À (re)lire : Maroc : trois enfants nigérians meurent calcinés dans leur abri de fortune
Faute de pouvoir passer à Melilla, des centaines de migrants, majoritairement d’Afrique subsaharienne, vivent cachés dans les environs de la frontière, certains pendant des mois, voire des années. La concentration des personnes serait devenue particulièrement importante sur le mont Gourougou, sorte de goulot d’étranglement pour les migrants. Et ces derniers tireraient profit de leur grand nombre pour tenter des passages groupés, davantage susceptibles de déborder les forces de police présentes.
À Melilla, « beaucoup de personnes arrivent blessées »
Une autre explication, toujours selon Mar Soriano Also, réside dans le fait que les autorités espagnoles sont actuellement en train d’améliorer leurs clôtures, déjà hautes d’environ six mètres.
« Sur l’une d’elles, une nouvelle partie est en train d’être ajoutée », indique Mar Soriano, évoquant une structure métallique recouvrant le dessus du grillage. « Cela rendra le passage encore plus difficile. Nous pensons que les migrants essaient de traverser maintenant, avant que ce nouvel élément soit ajouté. »
Les migrants utilisent des crochets, visibles sur la photo, pour escalader et descendre les clôtures entre le Maroc et Melilla. Crédit : Solidary Wheels
Toujours est-il que, même sans ce dernier ajout, les différentes barrières érigées entre les deux pays, pour certaines surmontées de fils barbelés, restent des obstacles très dangereux pour les migrants. Ceux qui parviennent à entrer à Melilla y arrivent souvent blessés, que cela soit par la traversée elle-même ou par les forces de police marocaines et espagnoles, selon plusieurs témoins sur place.
Des images relayées début mars sur les réseaux sociaux montraient des officiers de police jeter violemment à terre puis rouer de coups des migrants tentant de passer la frontière.
« Mercredi dernier, [le jour du record de tentatives de passages, ndlr], nous avons vu des migrants arriver sur le sol espagnol, commente encore Mar Soriano. Beaucoup étaient blessés et avaient du mal à marcher. Certains ont dû être hospitalisés. »