25.08.2022 Séparées au Maroc, une fillette et sa mère se retrouvent aux Canaries
Une vidéo publiée sur les réseaux sociaux montre les touchantes retrouvailles entre une mère et sa fille à l’aéroport de Las Palmas, aux Canaries. Originaires de Côte d’Ivoire, elles ont été séparées presque deux ans sur la route de l’exil.
Une petite fille qui aperçoit sa maman et qui court à toute vitesse vers elle. Une mère, en larmes, qui se prosterne à ses pieds puis qui enlace longuement son enfant. L’étreinte dure plusieurs minutes au milieu d’un hall de l’aéroport de Las Palmas, sur l’île de Grande Canarie.
Cette scène émouvante, immortalisée par l’activiste Begoña Barrenengoa et publiée sur Twitter le 17 août par le militant Txema Santana, s’est déroulée début juin dans l’archipel espagnol. La vidéo a été vue plus de 110 000 fois en une semaine.
Si toutes deux sont si émues de se retrouver, c’est qu’elles ont été séparées un an et demi sur la route de l’exil.
« Maïmouna n’avait pas les moyens de payer pour deux personnes »
Retour sur leur histoire. Maïmouna fuit la Côte d’Ivoire en 2018 avec sous le bras, sa fille Yaya qui avait alors 7 ans. Les deux Ivoiriennes atteignent le Maroc en 2019 et espèrent rejoindre rapidement la France, où le père de famille est installé depuis cinq ans après avoir fui son pays pour raisons politiques.
Mais le coût de la traversée vers l’Espagne et la pandémie de Covid-19 retardent leur plan. En janvier 2021, la mère prend une décision radicale : elle fera le voyage sans sa fille.
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« Maïmouna n’avait pas les moyens de payer pour deux personnes. Elle s’est dit qu’elle partirait d’abord puis que Yaya la rejoindrait quand elle aura réuni assez d’argent », explique à InfoMigrants Begoña Barrenengoa, une assistante sociale à la retraite ayant activement participé aux retrouvailles.
La mère de famille laisse donc sa fille à une personne de confiance au Maroc et monte dans un canot en direction du sud de l’Espagne. Elle retrouve ensuite son mari à Paris.
Un voyage de 27 heures
Un an plus tard, en janvier 2022, c’est au tour de Yaya de prendre la mer depuis la ville de Laayoune, au sud du Maroc, avec la Guinéenne qui l’avait recueillie. La fillette de 11 ans débarque au port d’Arguineguin, sur l’île de Grande Canarie, au petit matin.
« Le voyage a duré 27 heures. Le canot pneumatique dans lequel se trouvait la petite fille était composé d’une soixantaine de personnes. Les migrants ont été secourus à 22h et sont arrivés au port à 6h du matin », précise Begoña Barrenengoa.
Pour la mère, ces longues heures d’attente relèvent du supplice. « Quand j’ai laissé Yaya au Maroc, je me suis beaucoup inquiétée mais je n’avais pas le choix. Lors de la traversée, j’ai eu très peur. Les mots me manquent. J’ai les larmes aux yeux lorsque j’y repense », dit Maïmouna dans un enregistrement audio envoyé à l’activiste, et consulté par InfoMigrants.
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À son arrivée aux Canaries, Yaya est directement prise en charge par les autorités et placée dans un centre pour mineurs. Dans ses affaires, la fillette a gardé précieusement le numéro de téléphone de sa mère.
Maïmouna, qui échange régulièrement avec son enfant, est désemparée. Son statut de sans-papiers en France l’empêche de voyager légalement en Espagne. La mère remue ciel et terre et prend contact le 14 février avec Begoña Barrenengoa via un groupe de migrants sur Facebook.
« Elle me raconte son histoire, m’envoie des photos de sa fille et de son passeport. Elle m’indique le centre dans lequel elle est hébergée et me demande de l’aider », se souvient la militante.
« Chaque jour, Yaya préparait ses affaires en espérant que sa mère serait là »
Pendant quatre mois, Begoña Barrenengoa se démène pour réunir la famille. Elle se rend en France par ses propres moyens, vérifie les informations, récupère les documents nécessaires et fait le lien avec l’administration espagnole.
« Les choses ont été longues et pénibles, c’était très stressant », se rappelle l’ancienne assistante sociale. « C’était dur et frustrant car Yaya pensait qu’en arrivant en Espagne, elle retrouverait tout de suite sa mère. Mais elle a dû patienter plusieurs mois. Chaque jour, elle préparait ses affaires en espérant que sa mère serait là ».
Mais les difficultés s’accumulent. Comment faire venir une femme sans-papiers en Espagne ? Grâce à l’activiste, Maïmouna obtient une autorisation de voyage pour venir récupérer sa fille. Elle prend un bus jusqu’à Bilbao, au nord de l’Espagne. Elle grimpe ensuite dans un avion vers Grande Canarie où ont lieu les retrouvailles tant attendues.
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Puis il faut organiser le retour. La mère et la fille doivent regagner Paris. Les contrôles entre l’Espagne et la France sont nombreux et Begoña Barrenengoa s’inquiète que des policiers ne les empêchent de passer. Elles prennent un bus de nuit et franchissent finalement la frontière sans encombre.
La famille est aujourd’hui hébergée par le Samu social dans un hôtel parisien. Le père, qui travaille en France depuis cinq ans, a entrepris des démarches pour avoir une autorisation de séjour. Tout comme Maïmouna et Yaya, qui espèrent bénéficier d’une protection en France. En attendant, Begoña Barrenengoa a gardé le lien avec la famille et essaye de faire scolariser la petite fille pour la rentrée.
Source : http://www.infomigrants.net/fr/post/42852/separees-au-maroc-une-fillette-et-sa-mere-se-retrouvent-aux-canaries