« Pour une loi sur les migrations respectant les engagements internationaux du Maroc, garantissant les droits d’asile et de défense et concrétisant les principes de non discrimination et d’égalité de tous devant la loi ».
Monsieur le chef du gouvernement,
Huit ans se sont écoulés depuis l’adoption du décret n° 1.03.196 en date du 11 novembre 2003, portant promulgation de la loi n° 02.03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l’émigration et l’immigration irrégulières (Ci après désignée par la loi 02.03). Huit ans après la mise en œuvre de cette loi, le Maroc a connu des événements tristes, qui ont montré l’absence de toute conformité des dispositions de la loi 02.03 aux engagements du Maroc devant la communauté internationale, notamment ceux résultant de la ratification par le Maroc de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et de leurs famille ainsi que de la convention de Genève sur le statut des réfugiés.
Durant ces huit ans, des organisations nationales et internationales actives dans le domaine de la défense des droits de l’Homme ont émis des rapports et déclarations accusant les autorités publiques pour leur implication dans les événements de Ceuta et Melilla d’octobre 2005 et la répression massive et collective qui a suivi. Comme ce fut également le cas lors des arrestations et de la répression qui ont eu lieu dans plusieurs villes du Royaume en Septembre 2006 et lors d’autres opérations durant les mois suivants, ou encore lors des événements graves qu’a connus la région de Ceuta pendant les mois d’Octobre et Novembre de cette année.
Les rapports établis font tous état de l’incapacité des politiques gouvernementales successives à apporter des changements positifs dans le traitement de la question des migrations, tant au niveau des approches, des programmes, des plans ou des mesures législatives, réglementaires, financières que des mécanismes chargés de leur mise en œuvre.
Comme ces rapports font état de la faible application des dispositions protectrices contenues dans la loi 02.03 et des droits de la défense de cette catégorie en général. En plus de l’absence de discussion préalable à l’adoption de cette loi en Novembre 2003, nous pensons que les lacunes constatées dans son application au cours des huit dernières années exige la prise de mesures législatives et institutionnelles urgentes visant à concrétiser les droits fondamentaux des migrants et le droit d’asile et à renforcer et mettre en œuvre les voies de recours et la protection effective de tous les droits fondamentaux garantis par la Constitution du Royaume et les engagements du Royaume devant la communauté internationale.
Dans ce contexte, le groupe antiraciste pour l’accompagnement et la défendre des étrangers et migrants (GADEM) fait les propositions suivantes :
Concernant la gestion du dossier des migrations :
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- Mettre fin à la gestion sécuritaire du dit dossier : le dossier des migrations doit être géré dans le cadre d’une approche inclusive, participative, transversale, socio-économique et humanitaire rendant possible l’intervention de tous les secteurs gouvernementaux concernés par le développement social et économique, et ceci pour mettre en place les dispositions de la nouvelle Constitution qui prévoit l’interdiction de toute forme de discrimination.
- Placer le dossier des migrations sous l’égide d’un ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères chargé des migrations et des migrants (Marocains de l’étranger et migrants au Maroc).
Concernant le programme du gouvernement :
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- Au niveau institutionnel :
- assurer la représentation des migrants au Maroc et des organisations chargées de la défense de leurs droits dans la composition de l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination (Chapitre 19 de la Constitution) ainsi que dans tous les organes constitutionnels et juridiques pertinents.
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- Au niveau législatif et juridique :
- publier les dispositions de la Convention internationale pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et leurs familles dans le Bulletin officiel,
- réviser la loi 02.03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers à la lumière des développements internationaux et mettre toutes les lois nationales pertinentes en conformité avec les dispositions de la nouvelle Constitution du Royaume,
- promulguer une loi déterminant le statut des réfugiés et les voies de recours.
- Au niveau social et économique :
- garantir la non-discrimination sur la base de la race, de la nationalité, de la religion ou de la couleur pour le droit à l’accès aux services sociaux, à l’éducation, à la santé, au logement et à l’emploi,
- élaborer un plan d’action pour la formation et l’emploi des réfugiés et des migrants qui s’installent au Maroc,
- promouvoir et renforcer l’indépendance des femmes migrantes au Maroc par l’élaboration d’un plan d’action urgent visant à leur permettre de s’intégrer dans la communauté,
- former les différents acteurs sociaux au pluralisme et à la différence culturelle et aux droits des migrants,
- permettre l’enregistrement des enfants de migrants nés au Maroc dans les registres de l’état civil, protéger tous les enfants issus de l’immigration et garantir leur droit à la scolarisation, indépendamment du statut administratif de leurs tuteurs.
Concernant les mesures d’urgence exécutables dans les 100 jours de la nomination du nouveau gouvernement :
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- En général :
- La libération immédiate du journaliste Rachid Nini, de l’artiste Mouad Elhaqed ainsi que de tous les détenus d’opinion.
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- Concernant le dossier des migrations :
- la publication des dispositions de la Convention internationale pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et leurs familles au bulletin officiel,
- la régularisation de tous les migrants au Maroc, sans condition ni réserve,
- l’enregistrement obligatoire de tous les enfants de migrants en âge de scolarité, indépendamment du statut de leurs tuteurs,
- l’enregistrement de tous les enfants des migrants nés au Maroc dans les registres de l’état civil,
- la généralisation de l’assistance médicale pour les vulnérables et les démunis (RAMED) à tous les migrants, indépendamment de leur statut administratif, sur tout le territoire national,
- la préparation d’une campagne de communication afin de faire connaître et de sensibiliser aux droits des migrants et au droit à la diversité et à la différence dans tous les médias publics,
- la délivrance au GADEM du récépissé du dépôt légal avec l’octroi de la qualité d’utilité publique, tout en lui garantissant le droit à exercer ses activités associatives,
- demander au ministre de la Justice de donner des instructions claires aux procureurs généraux de s’abstenir de prendre des décisions qui sont d’abord de la responsabilité de l’administration (conformément à la loi 02-03, en particulier à son article 21),
- la dépénalisation de l’immigration illégale ou du départ (l’article 50 de la loi 02-03), car elle est contraire au droit international, en particulier tels que définis dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (article 13), et incompatible avec le préambule de la Constitution marocaine.
Veuillez agréer, Monsieur le chef du gouvernement, l’expression de notre très haute considération.
GADEM
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