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Un migrant décède et un second est grièvement blessé lors des opérations menées par les autorités marocaines.
24 heures après l’ultimatum lancé par les autorités aux « ressortissants étrangers subsahariens [qui] ont envahi et occupé illégalement des appartements appartenant à autrui au quartier Al Irfane relevant du district de Boukhalef à la ville de Tanger » [1] , les forces de l’ordre ont entrepris, lundi 30 juin à partir de 18h, de déloger les Noirs non ressortissants habitant le quartier. De nombreux ressortissants subsahariens ont été contraints de monter dans des bus et déplacés vers plusieurs villes, dont Rabat et Taroudant. Deux personnes sont ce matin à l’hôpital : une personne blessée pendant l’intervention et la seconde décédée après une chute d’un immeuble, dans les mêmes circonstances que Moussa Seck en octobre 2013 [2] et Cédric Bété en décembre de la même année [3].
Le GADEM s’inquiète de cette recrudescence du climat d’intolérance au Maroc et de la haine envers les Noirs non ressortissants, et exprime sa préoccupation envers le caractère discriminatoire et illégal de ces opérations d’évacuation : En annonçant et en menant une opération visant exclusivement les Noirs non ressortissants, les autorités ne se sont-elles pas rendues coupables de discrimination sur la base de l’origine nationale et/ou de la couleur de peau ? De l’aveu même des autorités, cette opération d’expulsion locative visait spécifiquement les Noirs non ressortissants : l’occupation illégale d’un appartement serait-elle l’apanage de ces derniers ?
Les Noirs non ressortissants du quartier Boukhalef seraient-ils tous des squatteurs par nature ? N’y aurait-il pas parmi eux des personnes qui ont des contrats de bail ou qui du moins, payent leur loyer même s’ils n’ont pas de contrat en bonne et due forme, comme cela reste d’usage au Maroc ? Le GADEM a pu identifier au moins une famille titulaire d’un contrat de bail qui a été délogée par les forces de l’ordre à la demande des voisins.
Le GADEM tient par ailleurs à rappeler que les expulsions locatives sont normalement soumises à une procédure légale :
1) chaque propriétaire se doit d’engager une procédure individuelle. Nous nous interrogeons sur le respect d’une telle procédure menée par les propriétaires concernés, qui pour certains habitent à l’étranger.
2) Quant bien même les occupants n’auraient aucun droit à se maintenir dans les lieux, le propriétaire doit saisir le juge civil, qui seul peut autoriser l’expulsion [4] . Sa décision doit être notifiée à l’occupant. Si celui-ci ne l’exécute pas spontanément, le propriétaire peut alors demander au procureur de requérir le concours de la force publique. Cette procédure, qui n’est d’ailleurs jamais appliquée, selon l’usage, durant le mois sacré de ramadan, a-t-elle été respectée pour chacune des expulsions auxquelles les forces de l’ordre ont procédé depuis hier soir ? On peut sérieusement en douter, dans la mesure où les autorités ont donné un délai de seulement 24 heures à l’ensemble des Noirs non ressortissants pour quitter les appartements qu’ils occupaient, avant de les en expulser par la force.
Une série d’articles haineux envers les Noirs non ressortissants, notamment contre les personnes habitant dans le quartier de Boukhalef, ont été relayés par des médias électroniques arabophones ces dernières semaines. Le GADEM considère que ces sites ont contribué à la montée du climat d’intolérance et de haine raciale et sont donc responsables, autant que les autorités, de ces violations des droits des Noirs non ressortissants.
[1] Communiqué de presse du 30 juin 2015 du Ministère de l’Intérieur
[2] « Décès de Moussa Seck à Tanger : Après le corps, éloigner les témoins ? » Communiqué du GADEM – Rabat, le 22 octobre 2013 https://www.gadem-asso.org/De%CC%81c…
[3] http://www.medias24.com/SOCIETE/702…
[4] C. Cass n° 2841 du 12/09/2007, dossier civil n° 2568/1/3/2005