30.11.2022 À Melilla, les migrants sont privés du droit d’asile, d’après le Conseil de l’Europe
Pour la Commissaire aux droit de l’Homme Dunja Mijatovic, demander l’asile dans l’enclave espagnole est tout bonnement impossible pour les migrants. À l’issue d’une visite en Espagne, cette dernière s’est étonnée que le seul moyen d’entrer à Melilla et d’y obtenir une protection se fasse « en nageant » ou « en sautant la clôture » qui la sépare du Maroc.
Demander l’asile à Melilla, mission impossible ? C’est en substance ce qu’affirme la Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatovic. À l’issue d’une visite en Espagne du 21 au 25 novembre, cette dernière a souligné l’absence « d’accès véritable et effectif à l’asile » entre la ville marocaine de Nador et celle, frontalière, de Melilla, enclave espagnole située en territoire marocain.
« Dans la pratique, il ne semble pas y avoir d’autre moyen d’entrer à Melilla et de demander une protection auprès des autorités compétentes qu’en nageant ou en sautant la clôture, au péril de sa vie », a-t-elle déclaré mardi 29 novembre, dans un communiqué.
Si la Commissaire a félicité Madrid pour l’amélioration des « conditions d’accueil » des migrants « dans les îles Canaries », elle déplore que « l’accès aux droits et à la protection varie considérablement à travers le pays et reste très difficile pour de nombreux réfugiés et demandeurs d’asile ». Elle pointe notamment « de longues périodes d’attente pour accéder à la procédure d’asile, des retards dans l’identification des vulnérabilités particulières et des obstacles à l’accès aux droits sociaux, y compris le logement et la santé ».
Interrogé sur la déclaration de la Commissaire, un responsable du ministère espagnol de l’Intérieur a rétorqué qu’il existait une « alternative sans équivoque à l’assaut violent à la frontière de l’Union européenne ». Le responsable a assuré par ailleurs que l’Espagne avait traité 1 999 demandes d’asile en 2021 en provenance de l’étranger.
Outre ses préoccupations sur le droit d’asile, Dunja Mijatovic s’est dite également « préoccupée » par un rapport du Médiateur espagnol selon lequel, le 24 juin 2022, « 470 personnes ont été renvoyées au Maroc sans qu’aucune procédure légale n’ait été observée ». Ce jour-là, environ 2 000 exilés, pour la plupart soudanais ou sud-soudanais, avaient tenté de pénétrer dans l’enclave espagnole de Melilla, en territoire marocain. Les vidéos amateurs de cet assaut sont insoutenables : amoncellement de corps inertes gisant au sol, visages de migrants en souffrance, coups de matraque distribués par des forces de l’ordre sur des hommes déjà à terre… Le bilan humain est de loin le plus meurtrier jamais enregistré à cette frontière : 23 morts selon les autorités marocaines.
« Ils nous ont emmenés un par un côté marocain »
Depuis, le Maroc comme l’Espagne sont sous le feu des critiques. Plusieurs enquêtes médiatiques pointent du doigt la responsabilité des forces de l’ordre des deux pays dans ces violences. La dernière en date, publiée par le consortium de journalistes Lighthouse, met encore un peu plus en lumière les exactions qui ont eu lieu ce jour-là, y compris du côté espagnol de la frontière, où les migrants sont censés pouvoir demander l’asile. Après avoir passé la porte du poste-frontière de Barrio Chino, Sam, un exilé soudanais de 17 ans, assure que « la police a continué à gazer [les migrants] ». « Je perdais connaissance. Ils nous ont alors attachés les mains et emmenés un par un du côté marocain. »
Une autre enquête, publiée cette fois par la BBC le 1er novembre, évoquait déjà ces pushbacks, illégaux au regard du droit international. Le média britannique affirme que plusieurs personnes seraient mortes dans une zone de l’enclave sous contrôle espagnol, et que leurs corps auraient ensuite été ramenés au Maroc par des policiers marocains.
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« Tous les États (ont) le droit de contrôler leurs frontières et de coopérer avec d’autres États pour ce faire », mais « cela doit être fait dans le plein respect de toutes les normes internationales applicables en matière de droits de l’Homme », a insisté, mardi, Dunja Mijatovic. L’Espagne, « comme d’autres Etats membres du Conseil de l’Europe, ne devrait pas contribuer directement ou indirectement aux violations des droits de l’Homme par des mesures prises pour mettre en œuvre sa coopération en matière de migration avec des pays tiers », estime-t-elle encore.
Suite à ce drame, 70 personnes sont toujours portées disparues.
Source : https://www.infomigrants.net/fr/post/45065/a-melilla-les-migrants-sont-prives-du-droit-dasile-dapres-le-conseil-de-leurope