En janvier, 1 292 personnes sont arrivées en Espagne de manière irrégulière, selon les autorités espagnoles. Si celles-ci communiquent sur ce chiffre, c’est qu’il est en baisse de quasiment 70% par rapport à janvier 2022.

L’immense majorité est arrivée par la voie maritime. Sur ces 1 292 immigrants du mois de janvier, 1 205 sont parvenus sur le territoire espagnol à bord de 86 bateaux. En janvier 2022, ils étaient 4 115, sur 155 bateaux.

Ces chiffres ont été dévoilés à l’occasion de la douzième Réunion de Haut Niveau entre le Maroc et l’Espagne, se tenant mercredi 1er et jeudi 2 février à Rabat. Si ce sommet hispano-marocain a pour but la coopération économique, la lutte conjointe contre l’immigration reste un levier diplomatique majeur dans les discussions.

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Le bilan de janvier confirme une tendance à la baisse depuis un an. Sur toute l’année 2022, les autorités espagnoles ont décompté 31 219 arrivées par la voie maritime. Cela représente une baisse de 25% par rapport à l’année précédente (41 945 arrivées en 2021).

Mais voilà : des ONG nuancent le bilan présenté par les autorités. « C’est avant tout de la communication calculée, en préparation du sommet franco-marocain », contextualise Omar Naji, responsable de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) à Nador, ville voisine des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla.

Les autorités se félicitent d’avoir réduit de 30% les arrivées depuis le Maroc

Le responsable d’ONG observe d’abord que les autorités espagnoles publicisent une comparaison entre 2022 et 2021. Or, « il faut comparer sur plusieurs années pour que ce soit pertinent. Quand on remonte à 2018 ou 2019 par exemple, on voit bien que l’on est sur une tendance à la hausse », décrypte-t-il, mettant en garde contre les conclusions hâtives.

Ce n’est en effet qu’en 2022, après trois ans d’augmentation, que les tentatives de traversées en mer en direction de l’Espagne ont fini par ralentir. Effet de seuil, ou effet durable ?

Difficile de le savoir pour le moment. En attendant, les autorités espagnoles se félicitent d’avoir réduit les arrivées en provenance du Maroc de près de 30% en 2022, du fait de la coopération sécuritaire entre les deux nations.

Sauf que cette baisse concerne surtout les migrants subsahariens, affirme Omar Naji. « Pour les Marocains, il y a toujours une augmentation continue des départs. C’est une vraie hémorragie de la jeunesse, surtout par la mer », via le détroit de Gibraltar. « Mais ces statistiques officielles n’en parlent pas. Ils amalgament les chiffres », estime le responsable associatif.

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La traversée reste pourtant ardue pour ces jeunes Marocains. “Entre le Maroc et l’Espagne, il y a beaucoup trop de bateaux des garde-côtes », témoigne Abdel, un exilé marocain de 29 ans rencontré à la frontière franco-italienne. « Si tu arrives à passer la marine marocaine, tu trouves la marine espagnole. Et ils te renvoient au Maroc.”

Certains décident plutôt de prendre un vol jusqu’en Turquie, puis d’emprunter la route des Balkans. Ce long détour s’explique aussi par le fait que le passage vers l’Espagne est devenu « plus cher », indique Omar Naji. « Peu de voies de migration sont accessibles, donc les gens vont jusqu’à chercher les routes les plus difficiles. » Des Marocains vont jusqu’à se rendre au Brésil pour entrer en Guyane sur le territoire français, comme l’a rapporté récemment le journal Le Monde. « Je ne connais qu’une seule personne qui a fait ça, c’est assez nouveau », témoigne Omar Naji.

Interceptions des migrants subsahariens

Pour mieux comprendre : il faut savoir que sur le territoire marocain, les voies de migration diffèrent entre les enfants du pays et les exilés subsahariens. « Depuis 2020, les Subsahariens sont empêchés de passer par le nord du Maroc, par Ceuta et Melilla », observe Omar Naji.

Cette division, « très nette », est organisée par les autorités qui limitent l’accès au nord du pays, soutient-il. De leur côté, les réseaux de passeurs s’adaptent, dirigeant les candidats subsahariens vers le sud/ouest du pays pour prendre la route maritime vers les Canaries. Les ressortissants marocains, eux, partent davantage depuis le nord du pays.

Il y a tout de même eu des contre-exemples. En premier lieu, la tentative de franchissement par près de 2 000 exilés en majorité soudanais de la barrière de Melilla en juin 2022. Freinés par les autorités marocaines et espagnoles, au moins 23 d’entre eux sont décédés. « Quand il y a eu cette tentative de leur part de casser cette division des routes migratoires, voilà comment ont réagi les autorités », soupire Omar Naji.

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Parmi les raisons de la baisse des traversées via la route des Canaries, figurent les interceptions quotidiennes de migrants subsahariens sur le territoire marocain.

Mercredi 1er février, un drame s’est déroulé dans ce cadre. Un bus transportant 55 exilés subsahariens, arrêtés à Laayoune par les autorités, a eu un accident meurtrier. Sur sa page Facebook, l’AMDH en livre sa version, basée sur les témoignages recueillis : « Le bus s’est renversé la nuit passée dans la zone de Foum Lahcen. Bilan très lourd : 4 morts dans les rangs des migrants et plusieurs blessés graves. Le bus était en route la nuit pour refouler ces migrants vers la zone de Ouarzazate. »

Malgré l’intensification de ces arrestations, donc la baisse des traversées vers les Canaries, cette route continue d’être le théâtre de nombreux naufrages. Sur l’année 2022, l’ONG Caminando Fronteras dénombre tout de même 1 677 personnes disparues, et 107 officiellement décédées.

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