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Trois organisations de défense des droits humains ont publié une nouvelle enquête, pointant les autorités marocaines et espagnoles ainsi que les politiques migratoires européennes dans la mort de plus de 23 migrants, le 24 juin 2022, au niveau de la clôture de Melilla près de Nador.
Une nouvelle enquête de l’ONG espagnole Irídia, de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) et de Border Forensics pointe la responsabilité de l’Espagne et du Maroc dans le drame survenu à frontière terrestre de Melilla, le 24 juin 2022. Dans leur tentative d’entrée vers l’enclave, plus de 23 migrants sont morts ce jour-là. Publié deux ans plus tard, ce rapport estime que des dizaines de décès ont résulté d’une politique sécuritaire frontalière agressive.
Dans ce sens, l’enquête se concentre sur «comment et qui a transformé le poste frontière en piège mortel». L’analyse satellite suggère que les forces de sécurité marocaines se seraient déployées près des camps de migrants et de la frontière, ne laissant qu’une seule voie de passage pour des centaines de personnes. «Ils ont délibérément permis aux migrants de s’approcher, puis les ont confrontés à la répression», écrivent les trois organisations.
Selon la même source, des dizaines de survivants ont signalé une relocalisation forcée au sommet de Gourougou, à 6 kilomètres de la frontière, après des attaques présumées des forces de sécurité marocaines les jours précédents. «La police a commencé à nous attaquer, à nous jeter des pierres et à détruire nos denrées pour nous faire partir», a raconté un survivant, cité dans l’enquête.
L’analyse des images satellites du 16 au 23 juin 2022 montre une présence accrue des forces de l’ordre, ainsi que la mise en place d’une tranchée supplémentaire du côté marocain. Une comparaison révèle aussi le déploiement de camions, de tentes et d’équipements des autorités.
Les ONG fustigent un «piège mortel»
«La police est venue des deux côtés pour nous pousser dans la même direction. Nous ne pouvions aller nulle part, sauf vers la clôture. Nous nous sommes tous rassemblés à ce niveau et ils ont commencé à nous lancer des grenades lacrymogènes», a avancé un autre survivant.
Par ailleurs, l’enquête mentionne des raids policiers présumés sur les camps de migrants avant l’incident. Le rapport inclut des témoignages alléguant la présence d’informateurs, qui auraient «encouragé les migrants à se diriger vers la clôture sans crochets (utilisés lors des tentatives précédentes) et à essayer de traverser par un point spécifique».
Pour sa part, un porte-parole du ministère espagnol de l’Intérieur a déclaré que les procureurs avaient ordonné des enquêtes sur les faits et n’avaient trouvé «aucune négligence ou violation des droits» par les gardes espagnols. Le Maroc maintient quant à lui que les forces de sécurité «ont agi professionnellement» et que «certains migrants étaient armés».
Le rapport associatif conclut que le drame de Melilla représenterait «une approche systémique de l’Europe, de l’Espagne et du Maroc». A ce titre, il critique ce qu’il pointe comme «des politiques de contrôle migratoire européennes de plusieurs décennies, la diplomatie migratoire marocaine, l’impunité de longue date pour la violence et la répression discriminatoire omniprésente».
«Ces éléments se sont combinés pour former le piège mortel mis en œuvre par les forces de l’ordre espagnoles et marocaines», conclut le rapport. Aussi, ce dernier appelle à une «réorientation fondamentale» des politiques migratoires européennes et des relations avec le Sud global, de manière à déconstruire «les relations, accords et législations» qui contribuent à de telles tragédies.
Par la même occasion, les trois organisations appellent à l’ouverture d’une nouvelle enquête indépendante, une réparation pour les survivants et les familles, ainsi que des poursuites judiciaires contre l’Espagne et le Maroc. «Les faits condamnent les deux autorités», affirment-elles.
Source : https://www.yabiladi.com/articles/details/150954/drame-nador-melilla-pointent-responsabilite.html