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Avec le renforcement des contrôles dans le bassin méditerranéen, les migrants qui veulent entrer en Europe sont de plus en plus nombreux à tenter la dangereuse traversée vers l’archipel espagnol des Canaries et à y laisser leur vie.
“La route a explosé en septembre 2019, quand les nouveaux accords avec l’UE et le Maroc ont commencé à éloigner les migrants de la frontière nord”, le point de départ vers les côtes sud de l’Espagne, explique Txema Santana, de la Commission espagnole d’aide aux réfugiés (CEAR) aux Canaries. “Si on les éloigne du nord, on les emmène au sud. Et le sud, ça veut dire les Canaries”, ajoute-t-il.
“L’Atlantique, ce n’est pas la Méditerranée. La distance, la désorientation et les courants rendent la traversée beaucoup plus dangereuse”
“Ce qui signifie une traversée beaucoup plus longue et une hausse du nombre de morts”, déclare pour sa part Maria Greco, de l’association de soutien aux migrants Entre les mers, sur l’île de Fuerteventura, la plus proche de l’Afrique. “L’Atlantique, ce n’est pas la Méditerranée. La distance, la désorientation et les courants rendent la traversée beaucoup plus dangereuse”, poursuit-elle.
Si les arrivées sur la côte méditerranéenne espagnole ont diminué de 50 %, aux Canaries elles ont été multipliées par six, jusqu’à atteindre 3446, entre janvier et la mi-août, selon le ministère de l’Intérieur.Sur quasiment la même période, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a enregistré au moins 239 décès sur le parcours, dépassant déjà les 210 comptabilisés sur toute l’année 2019 et bien au-delà des 43 en 2018. “Pour environ 16 qui y arrivent, il y a un mort”, estime Txema Santana de CEAR.
“Pour environ 16 qui y arrivent, il y a un mort”
Avec un trafic dix fois moins important, le nombre de morts sur la route atlantique équivaut à la moitié des décès ou disparitions enregistrés en Méditerranée, selon l’OIM. Le flux de migrants est beaucoup moins important qu’en 2006, lorsqu’on dépassait les 30.000 arrivées, mais “la difficulté de la traversée est impressionnante”, souligne Txema Santana.
Les embarcations ne viennent pas seulement du Maroc et de la Mauritanie, les deux pays les plus proches des Canaries, mais aussi du Sénégal, de la Gambie, à plus de 1000 km au sud. À bord, il y a de plus en plus de femmes et d’enfants, et plus de morts en mer. “Les gens arrivent sur des embarcations surchargées, instables et conduites par des personnes inexpérimentées”, explique-t-il.
“Tout s’est dégradé : les embarcations sont fragiles, sans capitaine, parfois on ne leur donne même pas une boussole (…). Les prix aussi ont baissé, passant de 2000 euros à 800 aujourd’hui. Au bout du compte, c’est un commerce”, commente Maria Greco. La majorité des migrants fuit le Sahel et l’Afrique de l’ouest, mais certains viennent de plus loin, du Soudan du Sud ou de l’archipel des Comores dans l’Océan indien, ajoute-t-elle.Pour ces réfugiés, la pandémie n’est pas un frein. “Lorsqu’ils décident de monter dans une embarcation, risquant leur vie et celles de leurs enfants, la pandémie ne pèse pas lourd dans leur décision”, juge José Javier Sanchez, de la Croix Rouge espagnole.Une fois débarqués, ils doivent se soumettre à un test PCR et, si l’un des passagers est positif, s’isoler dans des centres d’accueil qui ne sont pas conçus pour des quarantaines. Les centres disposent “de chambres de six, de sanitaires partagés par huit personnes. Nous avons aménagé des chambres plus petites avec des toilettes individuelles. C’est un vrai défi”, explique M. Sanchez.L’administration n’est pas préparée non plus, affirme Maria Greco, dénonçant des demandes d’asile restées sans réponse et le manque d’information aux nouveaux arrivants sur leurs droits. Txema Santana réclame l’accélération des transferts de l’archipel vers l’Espagne continentale pour éviter la saturation des centres d’accueil, si comme on s’y attend les traversées augmentent en septembre, avec un vent favorable et une mer plus calme.