La deuxième séance, quant à elle, abordait le thème de « Crispations identitaires, un mal universel? ». Yasmine Chami, historienne, anthropologue et romancière, était aux côtés de Yacouba Konaté, professeur et auteur à l’Université Félix Houphouet-Boigny, Ilham Kadri, présidente et directrice générale de Solvay, ainsi que Hisham Aidi, politologue et documentariste.
Lors de son intervention pendant la deuxième séance du Forum ce vendredi, Yacouba Konaté a évoqué la logique d’enfermement présente dans certaines sociétés, qui conduit à un durcissement au moment où l’on parle de mondialisation en général. « Il y a encore des gens qui pensent pouvoir s’en sortir en s’enfermant dans leur écosystème », a-t-il souligné.
Le professeur universitaire a abordé le sujet de la « crispation identitaire » en citant deux anecdotes. « La première est une idée que j’ai souvent utilisée dans mes articles. Il y a un artiste du nom de Manou qui prend sa trompette et se dit qu’il va faire de la musique. Mais l’auditeur japonais écoute la musique et dit : ‘C’est de la musique africaine’. Mais Manou, quand il se réveille le matin, ne dit pas : ‘Je vais faire de la musique africaine’, mais plutôt : ‘Je vais jouer de la musique, point’. Donc, c’est le problème de l’assignation qu’il faut prendre au sérieux. C’est déjà une question qui est toujours là et qui nous attend », a-t-il soulevé.
La deuxième anecdote évoquée par Konaté concerne un atelier qu’il a organisé dans le sud de la France avec une Fondation, axé sur le partage exotique, entre autres thématiques. « Il y avait des photographes qui devaient présenter des photos traitant de la question. Après trois jours, nous avons découvert des photos que nous avons trouvées totalement banales, et en tant que commissaires, nous nous sommes fâchés avec eux. Nous leur avons dit : ‘Vous n’avez pas compris la thématique de l’exotisme, montrez-nous des photos exotiques’. Ils nous ont répondu que c’était tout simplement impossible, car à chaque fois qu’ils se mettaient devant les habitants de cette ville et commençaient à prendre des photos, c’était eux qui devenaient exotiques. C’est donc un renversement impossible auquel il faut prêter attention, parfois tragique », a-t-il expliqué.
Un autre exemple cité par l’intervenant est lorsqu’il se retrouve lui-même dans un avion et se rend compte soudainement qu’il y a trois personnes noires sur la même rangée, et que tous sont noirs. Est-ce une coïncidence ? Il n’y croit pas. Ce n’est pas toujours le cas, mais cela illustre que la question des identités est sérieuse et parfois très violente, a-t-il conclu.
Le débat se poursuivra lors du Forum des droits de l’Homme du Festival Gnaoua samedi 24 juin, avec la participation d’autres intervenants de renom.