Le retour par voie maritime des Marocains bloqués ou résidant à l’étranger se fera exclusivement via Sète (France) et Gênes (Italie), a précisé Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères. Les ports du sud de l’Espagne, principaux points de passage lors de la traditionnelle transhumance estivale des MRE, sont ainsi exclus de l’opération.Ils s’ajoutent à Ceuta et Melilla, déjà écartés par les autorités marocaines, puisque
les frontières terrestres ne seront pas réouvertes avant octobre prochain.
Les deux enclaves ont tenté de peser de tous leurs poids sur Madrid pour être incluses dans le dispositif Operation «Paso del estrecho» (OPE). En vain !
De l’autre côté du détroit, la décision de Rabat fait par contre le bonheur des figures de la droite espagnole, notamment en Andalousie. Pour rappel, le président de la région autonome,
Juanma Moreno du Parti Populaire, était le premier à demander publiquement, le 7 juin dernier au chef du gouvernement espagnol, la suppression de l’OPE au motif que «les conditions idéales ne sont pas réunies» cette année.
Une bouée économique qui s’éloigne
Une requête saluée ensuite par son bras droit à la Junta, Juan Marin de la formation Ciudadanos (centre-droit). Une position que les deux responsables ont toujours défendue au grand dam de représentants syndicaux de la région autonome ayant alerté des répercussions économiques du non-passage des MRE par les ports espagnols sur l’emploi et le chiffre d’affaire des compagnies maritimes.
Faisant la sourde oreille à ses mises en garde, Juanma Moreno a été d’ailleurs le premier à
se féliciter de l’annulation de l’Opération Marhaba, annoncée le 22 juin à la Chambre des représentants par le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita. Ainsi, tout au long des négociations avec Rabat, Madrid aura dû gérer les contradictions en internes avec d’un côté, les deux enclaves en territoire marocain et de l’autre la droite andalouse qui n’a pas hésité à porter le dossier jusqu’à Bruxelles dans l’espoir d’affaiblir le gouvernement Sanchez.Malgré les réunions entre le Maroc et l’Espagne en juin et juillet, les deux pays voisins ne parviendront pas à s’entendre sur une organisation bipartite. L’exclusion des ports d’Algésiras, Tarifa et Almeria constituera un coût économique et politique pour l’exécutif Sanchez. Pourtant Rabat s’est toujours montré conciliante avec le gouvernement socialiste en accentuant par exemple sa surveillance des départs de pateras vers les côtes andalouses.
Un engagement qui s’est traduit, selon des chiffres officiels du ministère de Grande Marlaska, par la baisse en 2019 de plus de 50% des migrants ayant atteint l’Espagne par voie maritime.Certains observateurs voient dans la dernière
provocation de Podemos, une des raisons de l’exclusion des ports espagnols. S’inscrivant en faux contre la décision de la cour suprême interdisant aux Sahraouis nés sous l’occupation d’avoir droit à la nationalité espagnole, la formation d’extrême gauche a invité Madrid à établir des relations diplomatiques de haut niveau avec la «RASD». La goutte de trop pour le Maroc qui place le dossier du Sahara comme ligne rouge pour sa diplomatie ?
Cette vision exclusivement politique peut également être contrebalancée par une explication purement sanitaire. La mise à l’écart des ports espagnols n’est peut-être qu’un dommage collatéral de l’extrême prudence des autorités marocaines, toujours partager entre l’accueil de sa diaspora, la relance de l’activité économique et le contrôle de la situation sanitaire. Le faible nombre de rotation des bateaux à Sète et Gênes, et l’exclusion des compagnies aériennes étrangères plaident pour le choix d’un retour contrôlé des Marocains bloqués et résidant à l’étranger.