Selon elle, l’objectif du régulateur, qui fait des études, établit des normes et peut aller jusqu’à prendre des sanctions, est de renforcer la vigilance des médias vis-à-vis de toute stigmatisation, ou représentation susceptible de porter atteinte à la dignité du migrant ou de donner lieu à un discours de haine ou de discrimination à son égard.
Or, a fait observer la présidente de la HACA, dans les médias du Nord comme dans ceux du Sud, la migration est traitée trop souvent encore, de “manière partiale et partielle”.
“On privilégie l’angle de l’émotion, parfois de la peur, au détriment de l’expertise et de l’investigation. Ce qui favorise, l’instrumentalisation de ce type de couverture médiatique par les mouvements xénophobes et extrémistes et met par conséquent en péril la cohésion sociale et le Vivre ensemble”, a mis en garde Mme Akharbach qui conduit une délégation composée de Lamia Salhi et Majda Saber respectivement directrice du centre de documentation et chargée des études médias au sein de la HACA.
La présidente de la HACA a également relevé lors de son intervention dans ce débat qui a réuni des régulateurs et des journalistes ainsi que des membres d’ONG actives dans le domaine de la migration, que la pratique des fake news à propos de la question migratoire s’est beaucoup développée au cours de ces dernières années.
Elle a donné à ce propos l’exemple des infox qui ont circulé notamment en Europe, à l’approche de la signature du Pacte Mondial sur les migrations à la Conférence onusienne de Marrakech en décembre 2018.
Concernant la promotion d’une couverture de la migration africaine basée sur les données factuelles, Akharbach a noté que le futur Observatoire Africain des Migrations et du développement dont le siège est au Maroc, pourra être d’une grande utilité pour tous les journalistes soucieux de consulter des sources crédibles et d’accéder à des statistiques sûres concernant la réalité du phénomène migratoire sur le continent.
Pour sa part, le président de la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle en Tunisie (HAICA), Nouri Lajmi, a mis l’accent sur l’importance d’une collaboration accrue centre journalistes et régulateurs pour aboutir à un travail journalistique de qualité.
Il a relevé que les chartes de déontologie doivent être élaborées par les journalistes eux-mêmes, qui ont plus de devoirs que de droits consistant notamment à vérifier la véracité et la crédibilité de l’information.
Le responsable tunisien a également évoqué la responsabilité commune du journaliste qui doit faire preuve de prudence et de vigilance pour ne pas être induit en erreur et des régulateurs, appelés à remédier à certains dysfonctionnements concernant le traitement médiatique et les infox liées à la question migratoire.
De son côté, Cissé Mohamane Hameye, membre de l’autorité de régulation des médias au Mali, a critiqué la “lecture superficielle ou univoque”, considérant que le traitement médiatique, parfois décrié, est l’apanage des médias de telle ou telle rive.
“Le mauvais traitement de l’information et de l’image du migrant concerne tous les médias”, a-t-il expliqué, relevant que dans certains pays de départ l’on parle “d’aventuriers”, souvent de “candidats au suicide” ou de “désespérés”.
Dans ce sens, il est revenu sur le “Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières” adopté à Marrakech et qui aborde presque tous les aspects de la migration, en appelant à la promotion d’une information indépendante, objective et de qualité, y compris sur Internet, notamment en sensibilisant les professionnels des médias aux questions de migration et à la terminologie afférente, en instituant des normes déontologiques pour le journalisme et la publicité et en cessant d’allouer des fonds publics ou d’apporter un soutien matériel aux médias qui propagent systématiquement l’intolérance, la xénophobie, le racisme et les autres formes de discrimination envers les migrants, dans le plein respect de la liberté de la presse.
“Les instances de régulation peuvent aider à cela surtout qu’elles agissent de plus en plus en synergie en mutualisant leurs réflexions et efforts dans le cadre d’organisations internationales, régionales et sous régionales”, a-t-il suggéré.
Selon l’orateur, il s’agit d’une exigence de dignité vis à vis de personnes en situation précaire, certes, mais dont les droits ne sont pas abolis par la tourmente de l’exil. Il a souligné l’impératif pour les médias de rompre avec un certain sensationnalisme alimenté bien souvent par une course forcenée à l’information exclusive quand il ne s’agit pas purement et simplement de commerce d’émotions extrêmes.
Dans ce sens, il a préconisé la mise en place d’un réseau ou d’une coalition d’acteurs ayant pour vocation à s’intéresser en permanence, au traitement de l’information liée aux migrations, d’un dispositif qui dénoncerait toute stigmatisation des migrants et d’une grille d’analyse et de monitoring dédiée au traitement de l’information relative à cette question, ainsi que d’un programme pluriannuel de sensibilisation, d’informations et de formations à l’attention des acteurs de médias y compris les régulateurs.
Cet atelier de deux jours, organisé en collaboration avec l’ambassade d’Allemagne en Tunisie avec la participation de journalistes de différents pays dont le Maroc, sera marqué par le lancement officiel de la version arabe du manuel de la couverture médiatique de la migration fondée sur le droit international et les données factuelles (MAP).