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Dans un nouveau rapport accablant pour les autorités marocaines et espagnoles, l’Association marocaine des droits de l’Homme à Nador dénonce la continuité des violations des droits des migrants et demandeurs d’asile. Depuis deux ans, l’ONG s’inquiète de « l’exploitation du dossier de la migration à des fins politiques et économiques ». Les faits saillants de ce document.
Destruction de campements migrants à Nador, en 2017. Photo d’archives: AMDH Nador.
Nador est une tour d’observation privilégiée des politiques d’externalisation des frontières européennes, depuis le sud de la méditerranée. La section locale de l’AMDH poursuit son travail de monitoring des droits des personnes en migration, marocaines ou étrangères, démarré depuis plusieurs années. Grâce à ce travail de l’AMDH Nador, l’opinion publique a pu découvrir en 2021 et 2022 plusieurs drames, conséquences des politiques de surveillance des frontières.
Le premier est celui de la mort d’un réfugié, Moattassem Karem Quasem Ali (25 ans), noyé à la suite d’un push-back de la Guardia Civile espagnole en novembre 2021. Le deuxième drame est la mort de trois enfants et leur mère calcinés à la suite d’un incendie à la forêt du mont Gourougou en janvier 2022. Des faits divers insoutenables qui confirment la violence des frontières.
Le rapport annuel thématique sur les migrations et l’asile compile ces drames et propose une analyse approfondie de la situation de la ville et de son environnement proche (Melilia). Pour ces raisons, ce document est une référence en la matière. Pour l’édition 2022 couvrant la situation de la ville et la région du Nord-est, les nouvelles ne sont pas bonnes.
Nador est une tour d’observation privilégiée des politiques d’externalisation des frontières européennes.
Le contexte est décrit en introduction du rapport : « L’année a été marquée par la poursuite de la fermeture des passages frontaliers qui a fortement secoué les équilibres établis depuis des années avec des éléments nouveaux susceptibles de faire plus de lumière sur le comportement des acteurs politiques dans leur quête à exploiter au maximum le dossier de la migration à des fins politiques économiques et financières ». C’est le principal constat de l’AMDH Nador pour cette année 2021 marquée par la multiplication des fermetures des frontières mais aussi la démultiplication des routes migratoires.
« L’année passée a été caractérisée par l’existence de 6 circuits de migration nettement séparés entre eux », explique Omar Naji, membre de l’AMDH Nador et en charge de ce dossier sensible.
Le premier circuit est « la voie maritime par zodiac ou jet-ski directement vers les côtes espagnoles réservée presque exclusivement aux Marocains majoritairement originaires du Rif », énumère ce militant de l’AMDH.
Le deuxième circuit, « la voie terrestre par saut de la barrière vers Melilla empruntée majoritairement par les migrants subsahariens, soudanais et sud-soudanais, mais aussi par la population marocaine des agglomérations limitrophes à Melilla et qui a perdu beaucoup en emploi et ressources avec la fermeture de la frontière avec Melilla », poursuit notre source. La troisième route est « la voie par nage ou jet-ski à partir des cotes proches de Melilla (Boucana ou Abdouna) vers Melilla qui est une spécialité des Marocains, mais aussi de certains Yéménites et Soudanais ».
La quatrième route est « la voie maritime des côtes Est de Nador vers les Îles Chafarines empruntée presque exclusivement par les Subsahariens et les Yéménites ». La cinquième route est « la voie algérienne où des Marocains traversent la frontière Est pour migrer vers l’Espagne à partir des côtes algériennes ». La sixième et dernière route est « la voie terrestre vers le port commercial de Beni Ensar prise exclusivement par les mineurs non-accompagnés et les jeunes Marocains pour se cacher dans des bateaux ».
Ce contexte marqué par « la crise dans les relations entre les deux principaux acteurs de cette voie de migration que sont le Maroc et l’Espagne » à influencé les indicateurs de violations des droits des personnes en migration à Nador et sa région.
Ainsi les attaques des campements de migrants ont connu une nouvelle baisse pour se situer à 37 attaques. « L’amélioration de cet indicateur qui s’est répercuté positivement sur la vie des migrants, montre bien la relation de cause à effet entre l’exercice du rôle de gendarme et la situation des violations commises », analyse l’AMDH Nador dans son rapport. Une baisse qui s’explique aussi par le changement de routes migratoires du nord vers le sud du pays.
« Nous observons la relation de cause à effet entre l’exercice du rôle de gendarme et la situation des violations commises à l’encontre des migrants marocains ou étrangers ».
Omar Naji, AMDH Nador.
Pour leur part, les Boza (opérations de migration par les voies irrégulières), ont connu une hausse pour atteindre 1050 tentatives, soit la plus importante progression depuis 2014. « Il faut rappeler le rôle de gendarme exercé par le Maroc qui prive les demandeurs d’asile d’accéder à Melilla pour exercer leurs droits et présenter leur demande d’asile et non pas la barrière fortifiée chaque année, qui a surtout favorisé l’apparition de la migration par mer payante et plus meurtrière », regrette l’AMDH Nador.
Cette relative accalmie en 2021 dont bénéficie les migrants illustre pour l’AMDH Nador « le rôle que joue le Maroc dans la surveillance des frontières de l’Union européenne et le danger de ces politiques ». L’AMDH Nador rappelle aussi la montée en puissance de la vague de migrations des Marocains, adultes et mineurs non-accompagnés. Avec la reprise des relations Maroc-Espagne et l’ouverture des frontières terrestres comme maritimes, il faut s’attendre à une reprise des routes migratoires depuis le Nord, spécialement que le route des Îles Canaries est en train d’être verrouillée. Dans ce climat changeant, l’AMDH annonce « la poursuite de son travail de documentation des différentes violations des droits humains à Nador et sa région, loin des agendas des politiques européennes ».