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Le Maroc, de plus en plus un pays de destination pour les femmes d’Afrique subsaharienne

06.10.2023  Le Maroc, de plus en plus un pays de destination pour les femmes d’Afrique subsaharienne

Ces 20 dernières années, le Maroc s’est lentement mué d’un pays de transit en un pays de destination pour les migrants d’Afrique subsaharienne, dont près de la moitié sont des femmes. Si certaines ont réussi à obtenir un titre de séjour et à travailler légalement, d’autres ne parviennent pas à faire régulariser leur situation. Elles restent particulièrement vulnérables à diverses formes d’exploitation et de marginalisation, notamment dans les secteurs de l’agriculture et du travail domestique.

 

Depuis son appartement à Hay Charaf, un quartier résidentiel de Marrakech au Maroc, Oumou Sall s’occupe de son nouveau-né. Cette Sénégalaise de 27 ans s’est installée au Maroc en 2017 pour terminer son master en gestion d’entreprise. Elle est actuellement en congé maternité, mais dans une semaine, elle reprendra son travail dans l’un des nombreux centre d’appels qui opèrent dans la ville.

 

L’histoire d’Oumou ressemble à celle de nombreuses femmes originaires d’Afrique subsaharienne. Elles sont de plus en plus nombreuses à émigrer vers le Maroc. Selon les derniers chiffres officiels publiés par les Nations unies en 2020, les femmes représentent 48,5 % de l’immigration régulière au Maroc.

 

« S’intégrer n’a pas été difficile », explique-t-elle au média allemand Deutsche Welle. « J’ai rapidement trouvé d’autres [migrants] subsahariens dans l’entreprise et la relation avec les patrons était bonne ».

 

Le marché de l’emploi au Maroc a fait du pays une destination pour de nombreuses femmes, notamment à travers l’essor des centres d’appel, un secteur qui s’est considérablement développé ces 15 dernières années et qui recherche en permanence du personnel francophone.

 

Selon Oumou, originaire de Dakar, se faire embaucher dans un centre d’appel, même sans diplôme, est assez simple. Il suffit d’avoir de bonnes connaissances en français.

 

Son salaire fixe est de 2 500 dirhams (environ 322 euros) par mois, auxquels s’ajoutent diverses primes basées sur les performances. « En fait, nous travaillons pour obtenir des récompenses », explique Oumou. « Si nous avons de bons résultats, nous pouvons envoyer de l’argent à nos familles et économiser de l’argent. »

 

Faire évoluer les stéréotypes

 

À environ 250 kilomètres au sud de Marrakech, dans le quartier Cité Essalam d’Agadir, l’entrepreneuse sénégalaise Khady Wade Balde accueille ses clientes – essentiellement des Marocaines – dans son salon de beauté appelé « Khady Hair ». Elle emploie une douzaine de personnes.

 

La Sénégalaise Khady Wade Balde dans son salon de beauté d’Agadir. Crédit : Marco Simoncelli/DW

 

Arrivée en 2008 alors qu’elle n’avait que 23 ans, Khady démarre par un apprentissage en coiffure. Quelques années plus tard, elle ouvre son propre salon. « À l’époque, les femmes d’Afrique subsaharienne se contentaient de faire du baby-sitting », explique-t-elle. « Il n’y avait pas de coiffeuses comme aujourd’hui. Au début, ils pensaient que j’étais femme de ménage, mais je voulais devenir coiffeuse ».

 

Aujourd’hui, les services de Khady sont très demandés dans son quartier. « Je ne sais pas ce qui se passe dans la vie des autres, mais je sais que c’est difficile pour certaines d’entre elles. Ce n’est pas aussi facile pour tout le monde. »

 

Passer entre les mailles du filet

 

En effet, on estime entre 70 000 et 200 000 le nombre de migrants subsahariens au Maroc, dont beaucoup sont sans papiers. Les femmes en situation irrégulière sont particulièrement vulnérables à diverses formes d’exploitation et de marginalisation, notamment dans les secteurs de l’agriculture et du travail domestique.

 

> À (re)lire : Au Maroc, le calvaire des travailleuses domestiques subsahariennes

 

Face au nombre croissant de migrants, Rabat a revu ses politiques d’intégration. Deux campagnes de régularisation en 2014 et 2017 ont permis à quelque 50 000 personnes – la plupart originaires d’Afrique subsaharienne – d’obtenir un titre de séjour.

 

Selon Aida Kheireddine, chercheuse marocaine et experte en genre et migration, ces campagnes ont avant tout bénéficié aux femmes. « Nous avons assisté pour la première fois dans l’histoire du Maroc à une opération de régularisation massive des migrants et une attention particulière a été accordée aux femmes », assure-t-elle. « Parmi les critères, il fallait être au Maroc depuis plus de cinq ans (…) et la priorité a été donnée aux femmes et aux enfants. Mais depuis 2018, nous avons vu cette politique régresser. »

 

Le Maroc a tenté de faciliter l’obtention de permis de séjour pour les migrants, mais beaucoup passent encore à travers les mailles du filet. Crédit : Marco Simoncelli/DW

 

Malgré les efforts de régularisation, le cadre juridique marocain reste régi par une loi datant de 2003 qui complique le processus d’obtention d’un permis de séjour.

 

Des chercheurs et des ONG estiment également que la question du genre n’est pas encore suffisamment prise en compte par les autorités. Selon Aida Kheireddine, les femmes ayant un emploi instable « sont exposées à différents types de violence, en premier lieu la violence sexuelle. La violence subie par les sans-papiers est un phénomène quotidien. »

 

Le travail domestique reste risqué pour les femmes

 

À Casablanca, Adji (le nom a été modifié) travaille comme femme de ménage et nounou pour un couple marocain. Arrivée au Maroc en 2019, elle est originaire de la région de Casamance, au Sénégal.

 

Sa priorité est de financer l’éducation de ses enfants restés au pays. Elle a trouvé son premier emploi au Maroc par l’intermédiaire d’une agence, puis a quitté, en mauvais termes, son employeur quatre ans plus tard. « Je n’ai jamais demandé d’augmentation », raconte-t-elle. « Tout ce que je voulais, c’est qu’ils m’aident à remplir les formalités de régularisation. »

 

Comme beaucoup de ses collègues, Adji est restée sans-papiers depuis son arrivée. Travaillant de 10 à 12 heures par jour pour 2 500 à 3 000 dirhams par mois (environ 250 euros), elle essaie de relativiser. « C’est toujours mieux que rien. Au Sénégal, je ne pourrais jamais avoir ce salaire ».

 

Après dix ans de débats, une nouvelle loi sur le travail domestique est entrée en vigueur au Maroc en 2018. Celle-ci visait à imposer des contrats de travail en bonne et due forme. Mais en 2021, seules quelque 5 000 employées de maison ont été enregistrées dans le cadre du nouveau système, alors que la main-d’œuvre dans ce secteur est estimée à plus d’un million de personnes.

 

Ndeye Yacine Ndiaye et son mari cherchent à faire évoluer les préjugés sur le communauté subsaharienne au Maroc. Crédit : Marco Simoncelli/DW

 

« Les difficultés auxquelles ces femmes sont confrontées sont principalement liées au fait qu’elles ne sont pas informées lorsqu’elles arrivent, de l’endroit où elles doivent se loger, ou encore des démarches à effectuer », note Ndeye Yacine Ndiaye, une autre Sénégalaise qui vit depuis 15 ans dans le quartier Bourgogne de Casablanca.

 

Arrivée avec une maîtrise, elle travaille aujourd’hui comme responsable de communication dans une banque. Avec son mari, elle a décidé de s’impliquer pour aider les migrants subsahariens. Elle a fondé la plateforme en ligne « Attaches Plurielles », qui vise à montrer « l’autre face de la diaspora subsaharienne au Maroc » à travers des séries d’interviews. « Nous essayons de montrer des femmes courageuses qui font un excellent travail, qui ne se laissent pas faire et qui tentent de débloquer leur situation. Celles qui ont la volonté de réussir. »

 

Ce reportage a été soutenu par le Pulitzer Center.

Auteurs : Marco Simoncelli, Marco Valenza, Davide Lemmi, Oumar Sall

Source: dw.com

 

Sourcehttps://www.infomigrants.net/fr/post/52374/le-maroc-de-plus-en-plus-un-pays-de-destination-pour-les-femmes-dafrique-subsaharienne#:~:text=L%27histoire%20d%27Oumou%20ressemble,l%27immigration%20r%C3%A9guli%C3%A8re%20au%20Maroc.

 

 

 

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Tags : Intégration Migrations africaines