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Droit international et législation et réalité nationales
1ère Partie
La discrimination est un traitement différencié, illégitime qui cause un préjudice à la victime consistant en l’atteinte à sa dignité et à ses droits. La discrimination peut être directe, indirecte ou systémique. Elle est constituée de trois éléments, l’existence d’une inégalité de traitement entre les personnes, la violation d’un ou de plusieurs critères fixées par la loi, son intervention dans un des domaines prévus par la loi (emploi, travail, formation, stage…).
Tous les domaines de la vie politique économique sociale et culturelle sont concernés par la discrimination : éducation et formation accès à l’emploi, carrière,
Le principe de l’égalité devant la loi sans distinction, le droit à une égale protection et à une protection contre toute discrimination sont affirmés par l’article 7 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
La Déclaration concernant les buts et objectifs de l’Organisation internationale du Travail prévoit dans sa partie II a) que «tous les êtres humains, quels que soit leur race, leur croyance ou leur sexe, ont le droit de poursuivre leur progrès matériel et leur développement spirituel dans la liberté et la dignité, dans la sécurité économique et avec des chances égales».
L’article 3 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et l’article 3 du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques affirment tous les deux le droit égal des hommes et des femmes de jouir de tous les droits économiques, sociaux, culturels civils et politiques qu’ils énoncent . La quasi-totalité des instruments internationaux des droits de l’homme prévoit des interdictions des discriminations dans les différents domaines.
Le droit à l’égalité et à la non-discrimination est érigé en droit fondamental du travail en vertu de la Déclaration de l’OIT sur les principes et les fondamentaux au travail et son suivi de 1998. Il est au cœur du travail décent et constitue un des objectifs du millénaire. Ce droit figure à la fois dans les instruments du hard law et soft law.
Au Maroc, la Constitution affirme le principe de l’égalité et la non-discrimination et l’égalité des citoyens devant la loi et charge les pouvoirs publics de l’obligation de la généralisation de l’effectivité de l’égalité des citoyennes et des citoyens, ainsi que de leur participation à la vie politique, économique, culturelles et sociale. Ainsi donc toute discrimination ou inégalité est prohibée.
En dépit de l’internationalisation du droit à l’égalité et à la non-discrimination et sa consécration par les Constitutions et les législations nationales, les discriminations existent toujours dans presque tous les domaines. D’où la mise en place d’organes chargés de lutter contre toutes les formes de discriminations dont la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) en France , le centre pour l’égalité des chances et de lutte contre le racisme en Belgique , la commission des droits de la personne au Canada et «l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination» au Maroc .
Quelles sont les principales normes internationales prohibant la discrimination notamment dans l’emploi et le travail (I)?;
Quel est le cadre juridique de la lutte contre les discriminations (II)?;
Quel est l’état des lieux des discriminations au sein de l’entreprise et dans la fonction publique?
Les normes internationales et l’égalité et la non-discrimination
Les normes internationales prévoient que l’application de leurs dispositions s’appliquent en général sans distinctions inhérentes à la race, à la couleur, au sexe, à l’état matrimonial, aux responsabilités familiales, à la grossesse la religion, à l’opinion politique, à l’ascendance nationale ou à l’origine sociale.
Deux conventions et deux recommandations internationales du travail, la convention n° 100 et la recommandation n° 90 sur l’égalité de rémunération adoptées en 1951 et la convention n° 111 et la recommandation n° 111 concernant la discrimination (emploi et profession) de 1958 traitent respectivement la question de l’égalité entre l’homme et la femme en matière de salaire et l’égalité et la non-discrimination dans l’emploi et la profession.
Egalité et non-discrimination
La convention n° 111 définit la discrimination, précise ce qui n’est pas discrimination prévoit
Les modalités de mise en œuvre du principe de l’égalité et l’exception au principe de l’égalité.
Ce qu’est la discrimination
La discrimination est définie par l’article premier de la convention et par l’article premier dans un libellé identique en tant que «toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l’opinion politique, l’ascendance nationale ou l’origine sociale, qui a pour effet de détruire ou d’altérer l’égalité de chances ou de traitement en matière d’emploi ou de profession».
Ces critères de discrimination ne sont ne sont pas limitatifs .Le même article y intègre toute autre distinction exclusion ou préférence qui tend vers le même objectif et «qui pourra être spécifiée par le Membre intéressé après consultation des organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs, s’il en existe, et d’autres organismes appropriés».
Actuellement plusieurs autres critères sont pris en considération pour qualifier tel ou tel acte de discriminatoire. Ces critères peuvent varier d’un instrument international à un autre, d’une législation nationale à une autre voire d’une discipline juridique à une autre.
Ce que n’est pas la discrimination
Ces mêmes instruments précisent tous les deux dans leurs articles 1-2que «les distinctions, exclusions ou préférences fondées sur les qualifications exigées pour un emploi déterminé ne sont pas considérées comme des discriminations». Ils ne prévoient pas d’exception à la règle de l’égalité et de non-discrimination. Toutefois, la convention dispose que «les mesures spéciales de protection ou d’assistance prévues dans d’autres conventions ou recommandations adoptées par la Conférence internationale du Travail ne sont pas considérées comme des discriminations». Les critères de discrimination sont donc: le sexe, l’appartenance ethnique ou la race, la couleur, l’ascendance nationale ou la nationalité, l’âge, l’invalidité, l’état de santé, l’orientation sexuelle. En 2011, le rapport du directeur général du BIT, a abordé un large éventail des discriminations selon une panoplie de critères anciens et nouveaux .Ces critères sont fondés sur le sexe, l’appartenance ethnique, la nationalité, la religion, les opinions politiques, l’origine sociale, le statut VIH, le handicap, l’âge, l’orientation sexuelle, la génétique et sur le mode de vie.
En France, ne sont pas considérées comme comportements ou actes discriminatoires ceux qui sont justifiés cas d’«exigence professionnelle essentielle et déterminante» et que «l’objet soit légitime et l’exigence proportionnée».
Ces moyens sont établis par les articles 2 et 5 de la convention et complétés par les orientations de la recommandation.
La convention insiste sur la politique publique pour l’instauration de l’égalité et la lutte contre les discriminations. Par l’article 2, elle prévoit que «Tout Membre pour lequel la présente convention est en vigueur s’engage à formuler et à appliquer une politique nationale visant à promouvoir, par des méthodes adaptées aux circonstances et aux usages nationaux, l’égalité de chances et de traitement en matière d’emploi et de profession, afin d’éliminer toute discrimination en cette matière».
A cet effet, il convient donc pour atteindre cet objectif, selon l’article 3 de cet instrument de :
Les exceptions
La convention n°111 prévoit des situations qui peuvent constituer des exceptions à l’égalité.
Il s’agit d’une part, de celles pouvant provenir des normes internationales du travail, d’autre part de celles susceptibles de résulter des législations internes.
La convention prévoit dans l’article 5, alinéa 1 que «les mesures spéciales de protection ou d’assistance prévues dans d’autres conventions ou recommandations adoptées par la Conférence internationale du Travail ne sont pas considérées comme des discriminations».
Il ajoute dans le deuxième alinéa que «Tout Membre peut, après consultation, là où elles existent, des organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs, définir comme non discriminatoires toutes autres mesures spéciales destinées à tenir compte des besoins particuliers de personnes à l’égard desquelles une protection ou une assistance spéciale est, d’une façon générale, reconnue nécessaire pour des raisons telles que le sexe, l’âge, l’invalidité, les charges de famille ou le niveau social ou culturel». Ces dérogations constituent des discriminations positives en faveur de certaines catégories vulnérables.
L’égalité en matière de rémunération
Le principe de l’égalité en matière de rémunération fait l’objet de deux instruments internationaux du travail, la convention n° 100 et la recommandation n° 90 adoptées en 1951.
Cet instrument définit la rémunération, précise le principe de l’égalité en matière de salaire et les voies de sa mise en œuvre.
La rémunération comprend en vertu de l’article premier de la convention «le salaire ou traitement ordinaire, de base ou minimum, et tous autres avantages, payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce dernier». Le code du travail ne définit pas la composition du salaire .Toutefois, il fixe parfois dans des articles les éléments à prendre en considération pour calculer les montants de certaines indemnités( indemnités de licenciement, des congés payés, la rémunération moyenne ) et cite parmi ces éléments le pourcentage des bénéfices , la commission, le rendement, la pièce … en tant qu’éléments de salaire.
L’égalité de rémunération ne concerne pas l’égalité pour tous mais vise l’égalité de rémunération entre la main-d’œuvre masculine et la main-d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale. Il y a donc référence aux taux de rémunération fixés sans discrimination fondée sur le sexe. En vertu de l’article 2, l’Etat Membre devra «assurer l’application à tous les travailleurs du principe de l’égalité de rémunération entre la main-d’œuvre masculine et la main-d’œuvre masculine et la main-d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale».
En prévoyant le principe de l’égalité entre l’homme et la femme en matière de salaires, la convention n° 100 pousse les Etats à modifier leurs législations discriminatoires pour des raisons de sexe dont celle du Maroc en vigueur avant l’adoption du code du travail.
En fonction des réalités nationales et des systèmes juridiques, le principe de l’égalité en matière de rémunération sans distinction de sexe, peut-être mis en œuvre par l’un des moyens suivants mentionnés à l’article 2 de la convention. Ces moyens sont la législation nationale, tout système de fixation de la rémunération établi ou reconnu par la législation, les conventions collectives conclus entre les employeurs et les travailleurs ou par une combinaison de ces divers moyens.
L’évaluation objective des emplois doit être effectuée pour la mise en œuvre du principe de l’égalité de rémunération entre l’homme et la femme .la collaboration entre les organisations professionnelles d’employeurs et de travailleurs est indispensable pour donner effet aux dispositions de la convention.