Appelez nous : +212 (0)537-770-332
Si le nombre de morts en mer a fortement augmenté en 2020, des défenseurs des droits des migrants soulignent le contraste avec l’évolution moins conséquente des départs. Dans une analyse régionale qui concerne notamment le Maroc, Alarm Phone s’est inquiété du manque de moyens mobilisés pour le sauvetage en mer, mais aussi des reconductions à la frontière.
Le nombre élevé de migrants morts en mer, qui contraste avec la baisse des départs, serait une conséquence du manque de moyens mobilisés par les gardes-côtes en Méditerranée, «voire du manque de moyens mis à leur disposition, pour surveiller la gigantesque zone SAR espagnole, particulièrement lorsque des embarcations partent de très loin au Sud». C’est l’interprétation d’Alarm Phone concernant les chiffres, montrant que l’année 2020 a été la plus meurtrière pour les traversées maritimes vers l’Espagne.
Publiée fin janvier, une analyse régionale de la Méditerranée occidentale réalisée par Alarm Phone, couvrant la période entre le 1e octobre et le 31 décembre, indique notamment que «malgré les courageux efforts» de membres de Salvamento Maritimo, la gestion des sauvetages en mer «requiert plus d’employé.es et plus de moyens». «Il n’en reste pas moins que le danger de plus en plus grand du trajet est dû à la négligence des gardes-côtes» marocains mais aussi espagnols, a noté l’ONG dans son document parvenu à Yabiladi. Pour elle, c’est «cette négligence criminelle» qui a souvent «des conséquences mortelles».
Les départs continuent malgré un renforcement du contrôle
En chiffres, 41 094 arrivées ont été répertoriées en Méditerranée occidentale au cours de l’année 2020, ce qui constitue un «nombre plus élevé que dans d’autres régions de la mer Méditerranée». 71% parmi elles ont été enregistrée dans les îles Canaries, 22% sur la péninsule ibérique et 7% aux îles Baléares. En d’autres termes, les arrivées en Espagne ont augmenté de 28,7% sur un an, selon le collectif Caminando Fronteras, mais le nombre de morts a évolué de 143%, indiquant à Alarm Phone les limites des interventions du secours rapide en mer.
Par ailleurs, le renforcement sécuritaire des points de départ a freiné quelques traversées au niveau de Nador. «Bien que sur la période couverte par ce rapport, des embarcations aient réussi plus ou moins régulièrement à atteindre le continent espagnol en partant de la zone de Nador, la route semble toujours largement bloquée», a souligné Alarm Phone, faisant état de cas qui concernent surtout les communautés subsahariennes. Mais par moments, certains ressortissants «parviennent à organiser un ‘convoi’ et à échapper aux contrôles», selon l’ONG.
Toujours est-il que de manière globale, «ce sont surtout des ressortissant.e.s marocain.e.s qui sont parti.e.s de Nador entre octobre et fin décembre», selon Alarm Phone, qui a accompagné sept bateaux depuis la région. Il est actuellement très difficile pour les ressortissant.e.s subsaharien.ne.s d’organiser la traversée. Les faits s’expliquent par la situation des étrangers dans les forêts autour de Nador, «extrêmement précaire tous les hivers» et encore plus en temps de pandémie. Aussi, «le prix des traversées semble avoir augmenté, peut-être en raison de la répression plus sévère des personnes arrêtées lors des raids et accusées d’organiser des voyages», a indiqué l’ONG.
Des reconductions vers les no man’s lands
Les expulsions par le Maroc ont également continué selon l’ONG. Entre le 15 octobre et le 5 novembre, 45 ressortissants subsahariens, dont quatre femmes et trois mineurs, ont été expulsés de Nador et de Tanger, pour être laissés «dans le no man’s land». Parmi ces personnes, 35 sont rentrées à Oujda, tandis que les 10 autres n’ont plus donné signe de vie et auraient traversé la frontière vers l’Algérie.
Dans le même sens, «les militant.e.s d’Oujda et d’Alarm Phone Sahara ont signalé et documenté des déportations d’Algérie vers le Niger». Selon le rapport, un total de 113 personnes, dont 31 femmes, ont été déportées de Maghnia et de Tlemcen, entre le 25 octobre et le 26 novembre. «En groupes d’environ 40 personnes chacun, elles ont été entassées dans des bus et amenées à Assamaka, une ville frontalière du Niger», ajoute la même source, soulignant qu’un accord non officiel entre l’Algérie et le Niger de 2014 prévoit que ces ressortissants soient expulsés vers Agadez, «pour préparer leur «retour volontaire» avec le soutien de l’OIM».
En novembre dernier, pas moins de 1 089 personnes de 15 pays subsahariens, dont de nombreuses femmes et mineurs, ont ainsi été expulsées «dans deux convois non officiels en provenance d’Algérie» et laissées à Assamaka, selon Alarm Phone Sahara.
Source : https://www.yabiladi.com/articles/details/105235/maroc-espagne-2020-l-annee-plus-meurtriere.html