11.07.2022 Maroc : la police arrête 25 migrants soupçonnés de vouloir rejoindre l’Espagne
Les autorités marocaines ont interpellé, samedi, 25 personnes d’origine subsaharienne. Ces exilés envisageaient, d’après elles, d’entrer illégalement en Espagne par les enclaves de Ceuta et Melilla. Ces arrestations surviennent au lendemain du lancement du « partenariat rénové » entre Rabat et l’UE, dédié à « lutte contre les réseaux de traite humaine ».
Malgré le drame survenu à Melilla le 24 juin dernier, dans lequel au moins 23 migrants avaient perdu la vie, ce passage reste encore, pour les exilés, un moyen d’atteindre l’Espagne. Samedi 9 juillet, « la préfecture de police de Tanger a mis en échec une tentative d’immigration illégale et interpellé 25 individus originaires de pays d’Afrique subsaharienne », a indiqué dans un communiqué la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN).
Les 25 migrants avaient en leur possession « 36 objets en fer de fabrication artisanale susceptibles d’être utilisés dans des opérations collectives d’immigration par escalade », a souligné la DGSN, laissant penser qu’ils prévoyaient de s’introduire dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Dans un autre communiqué, la police marocaine a fait état de la saisie dans un magasin à Tanger de 138 objets en fer de fabrication artisanale, qui peuvent être utilisés pour des « opérations d’escalade ».
Cette région du nord du Maroc est empruntée par de nombreux migrants soudanais, érythréens, mais aussi des ressortissants d’Afrique de l’Ouest. Pour gagner l’Europe et à la recherche d’une vie meilleure, ils tentent régulièrement de passer à Ceuta et Melilla, seules frontières terrestres de l’Union européenne avec le continent africain. Celles-ci, matérialisées par de hauts grillages, parfois surmontées de barbelés, sont très dangereuses pour les exilés. Beaucoup se blessent en tentant de les escalader, quand ils ne sont pas violentés par la police marocaine.
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Après le 24 juin, l’ONU, comme l’Union africaine, avaient dénoncé « un usage excessif de la force » par le Maroc et l’Espagne et réclamé l’ouverture d’une enquête sur les circonstances du drame. Sur place, une « mission d’information » a été ouverte par le Conseil national des droits humains, alors que 65 migrants sont actuellement poursuivis par la justice, notamment pour « entrée illégale sur le sol marocain ».
« Faire face, ensemble »
La répression est le moyen privilégié des autorités marocaines pour faire face à la situation qui prévaut sur cette route migratoire. La veille de l’arrestation des 25 exilés, Rabat a ainsi présenté un « partenariat rénové » de lutte contre les réseaux de traite humaine, en coopération avec l’UE. L’accord a été scellé lors d’entretiens dans la capitale marocaine entre la commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson, le ministre espagnol de l’Intérieur Fernando Grande-Marlaska et son homologue marocain Abdelouafi Laftit.
Il « pourra couvrir notamment le soutien à la gestion des frontières, le renforcement de la coopération policière, y compris les enquêtes conjointes, […] ainsi que le renforcement de la coopération avec les agences de l’Union européenne chargées des affaires intérieures », détaille un communiqué. L’objectif ? « Faire face, ensemble, aux réseaux de trafic des personnes, notamment suite à l’émergence de nouveaux modes opératoires extrêmement violents adoptés par ces réseaux criminels ».
La Commission européenne a, de son côté, salué chez le Maroc, « un partenaire stratégique et engagé […] en matière de migration ». Pour l’institution, la Stratégie Nationale d’Immigration et d’Asile (SNIA) constitue même « un modèle de gestion migratoire des plus avancés, tant sur le plan législatif qu’institutionnel, ayant permis de régulariser la situation administrative de plusieurs milliers de migrants et de les intégrer dans la société marocaine ».
S’il est vrai que le Maroc a, par deux fois, en 2014 et 2016, opéré des vagues de régularisations des sans-papiers installés sur son sol, depuis, la dynamique s’est enrayée. Aucune autre réforme n’est venu faciliter l’accès aux droits pour des migrants sans statut, véritable angle mort de la politique marocaine. Pire, de nombreuses personnes qui avaient pu bénéficier des précédentes régularisations sont retombées dans l’illégalité, car dans l’impossibilité de faire renouveler leur titre de séjour.
« Ils frappaient des personnes à la tête »
« La gestion migratoire » du Maroc, si abondamment saluée par le communiqué de l’UE et encensée par l’Espagne – Grande-Marlaska voit en Rabat un « un partenaire loyal et fiable » – est pourtant très critiquée par les ONG sur place. Après le drame de Melilla, ces dernières avaient fustigé « la brutalité » des forces de l’ordre marocaines.
« La police faisait tomber les gens des grillages, sans se soucier des blessures ou des fractures que les chutes causaient, » avait raconté à InfoMigrants Nader, un Soudanais de 30 ans qui a pu passer à Melilla. « Et après ils les frappaient. Ils frappaient un migrant jusqu’à ce qu’il ne bouge plus, puis ils passaient à un autre. » Pour le jeune homme, « ce qu’il s’est passé dépasse l’imagination. Les forces de sécurité marocaines sont inhumaines. Je les voyais pourchasser les migrants derrière moi. Je pense qu’ils voulaient tuer des gens, sinon comment expliquer le fait qu’ils frappaient des personnes à la tête avec des grosses pierres ? »
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Cette violence, presque systématique aux frontières des enclaves espagnoles, s’exerce aussi dans les bois à proximité, où des centaines de personnes vivent recluses, dans la peur et le dénuement le plus total. En janvier, trois enfants nigérians de moins de sept ans ont péri dans l’incendie de leur abri de fortune, fait de bâches en plastique. « La mère a probablement allumé un feu pour réchauffer son habitation et a dû s’endormir, avait indiqué l’AMDH Nador. Au petit matin, des migrants avaient retrouvé les petits inanimés. Ils sont morts asphyxiés, puis calcinés par l’incendie qui s’est propagé dans la tente. »
Source : http://www.infomigrants.net/fr/post/41808/maroc–la-police-arrete-25-migrants-soupconnes-de-vouloir-rejoindre-lespagne