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Sur la question des mineurs étrangers non-accompagnés au Maroc, le gouvernement cède la place à l’activisme des organismes, alors qu’il doit assurer «une immatriculation juridique» permettant à ces mineurs de «jouir de la protection inhérente aux droits fondamentaux de l’enfant».
Au Maroc, la question des mineurs non accompagnés en Europe reste sous le feu des projecteurs, préoccupant ainsi les décideurs marocains et étrangers. Mais alors que le royaume est devenu par défaut un pays de destination pour plusieurs migrants, le pays lui-même se trouve confronté à cette question, qui met à rude épreuve à la fois son système de protection de l’enfance et ses organisations d’accompagnement, dans un contexte législatif flou et avec des moyens financiers limités.
Dans un article récent, publié dans la Revue africaine des sciences humaines et sociales, la chercheuse Fatima Zahrae Ghatous s’est ainsi intéressée à la question de la protection juridique des mineurs. Elle a montré comment «la connaissance des différents facteurs – qui motivent, voire contraignent le mineur étranger non-accompagné à partir de chez lui – aide à comprendre, à reconnaitre puis à construire des réponses institutionnelles adaptées à l’encadrement de ce groupe».
L’article s’est basé sur une étude ethnographique réalisée auprès des organismes d’accompagnement, comme l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (ancien HCR), la Fondation Orient Occident (FOO), Caritas ou encore l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Des entretiens semi-directifs en plus d’une enquête menée le terrain entre février et novembre 2019 auprès d’un groupe de mineurs étrangers non-accompagnés (MENA) de 10 nationalités subsahariennes, vivant à Rabat, ont également été menés.
L’étude terrain a ainsi déterminé quatre types de mineurs étrangers non-accompagnés (MENA) : Ceux ne bénéficiant d’aucune protection juridique bien qu’ils soient traités comme un adulte tant par les autorités que par les organismes de protection et d’accompagnement des migrants, les MENA réfugiés, les MENA-demandeurs d’asile et les MENA isolés.
Pour une «immatriculation juridique» des MENA
La chercheuse rappelle, dans ce sens, que les MENA bénéficiant automatiquement de la protection au Maroc sont ceux originaires de Centrafrique (du fait de la situation politique dans leur pays et qui ont accès au statut de réfugiés) et ceux originaires de la Guinée Conakry. De plus, un bon nombre de MENA camerounais, nigérians et ivoiriens jouissent, eux, d’un certificat de demandeur d’asile. En revanche, le reste fait partie de la catégorie des MENA migrants «livrés à eux-mêmes».
La même source rappelle qu’au Maroc, «c’est au MENA de faire la démarche en se rendant auprès d’une organisation de la société civile, ou auprès d’un organisme de l’ONU (HCR, OIM) pour solliciter le service accordé par ces institutions» dans le but de jouir d’une protection juridique. Or, cette relation entre les profils des mineurs et les structures qui les accueillent influencent la protection qui leur est accordée. «Les profils des MENA dépendent des actions sociales mises en place par les structures de la société civile ou des organismes représentatifs des actions sociales humanitaires de l’ONU (HCR, OIM)», qui «traitent les mineurs en s’appuyant uniquement sur leur un statut juridique, conditionnant ainsi la nature de la protection à laquelle ils devraient avoir accès au Maroc», explique-t-on encore.
La chercheuse note que «le profil de ces migrants est en lien aussi bien avec leurs projets migratoires que des évènements qu’ils ont vécu avant d’arriver au Maroc et cela au-delà de leur statut juridique». Bien qu’elle estime que «le phénomène des MENA [soit] récent au Maroc [et ait] déjà pris une ampleur importante», la courbe des statistiques de l’arrivée des MENA dans le pays étant croissante, la chercheuse considère que «le gouvernement semble être dans une posture de prudence, cédant la place à l’activisme des organismes».
«A défaut d’une protection sociale directe, une immatriculation juridique devrait être donnée aux MENA, notamment ceux de la catégorie MENA migrant, MENA demandeur d’asile et MENA isolé, pour leur permettre de pouvoir jouir de la protection inhérente aux droits fondamentaux de l’enfant, mise à leur disposition par les traités internationales», plaide-t-elle.
Source : https://www.yabiladi.com/articles/details/125724/maroc-mineurs-non-accompagnes-entre-statuts.html