Ils sont accusés d’avoir posté sur TikTok, Facebook et autres réseaux sociaux des messages incitant les jeunes Marocains à prendre la mer pour atteindre l’enclave espagnole de Ceuta. La police judiciaire marocaine a arrêté au moins six personnes, dont un mineur, suspectées d’avoir lancé des campagnes sur les réseaux sociaux pour pousser les jeunes à tenter de rejoindre Ceuta à la nage, a rapporté El Faro de Ceuta samedi 31 août. Les suspects ont entre 20 et 31 ans et le mineur n’a que 16 ans, précise le média local.
Les messages diffusés incitaient à prendre la mer depuis la ville marocaine de Fnideq afin de rejoindre Ceuta. Un trajet d’environ 5 kilomètres qui nécessite de longues heures de nage en raison des forts courants et des rochers.
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« Les investigations techniques et de terrain ont permis d’identifier les suspects et de les arrêter dans les villes de Tanger, Casablanca, Souq Larb’aâ et El Kelaa des Sraghnal », détaille El Faro de Ceuta, reprenant les informations du média marocain Avril.ma. La police marocaine poursuit ses investigations.
165 000 abonnés
Depuis plusieurs mois, les migrants marocains sont de plus en plus nombreux à documenter sur les réseaux sociaux leur traversée à la nage vers l’enclave de Ceuta. Ces derniers jours, les publications de Chaimae El Grini, une Marocaine de 19 ans, sont notamment devenues virales sur le réseau social TikTok.
Sur son compte, le premier post épinglé atteint 2,6 millions de vues, un record pour cette Marocaine suivie par 165 000 abonnés. On y voit une photo postée le 21 août : Chaimae El Grini, cheveux mouillés, y apparaît souriante, vêtue d’une combinaison de plongée rose et grise, pochette en plastique autour du cou pour protéger son téléphone de l’eau. Elle lève le pouce en l’air en signe de victoire. Puis, trois clichés de la jeune femme dans les rues espagnoles, mini-jupe rouge, tee-shirt vert, chapeau en paille. Et toujours ce large sourire.
La jeune femme originaire de Matril, dans le nord du Maroc, documente frénétiquement son exil vers l’enclave espagnole de Ceuta, qui représente avec Melilla les seules frontières terrestres avec l’Union européenne sur le sol africain.
Récits enjolivés
Des images d’elle à l’arrière d’une fourgonnette en route vers la frontière maroco-espagnole, des vidéos la montrant sauter dans l’eau, puis avec une couverture de la Croix-Rouge espagnole sur les épaules, la carte de son trajet maritime… Chaimae El Grini relate chaque détail de sa dernière traversée à la nage mi-août vers Ceuta, après quatre autres tentatives échouées.
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Puis, elle raconte son quotidien dans l’enclave, posant souriante devant des bâtiments espagnols, dans les rues et dans ce qui semble être le centre d’accueil dans lequel elle est hébergée.
À l’instar de Chaimae El Grini, les jeunes Marocains – et plus largement Africains – n’hésitent plus à filmer leur tentative de traversée vers le sol espagnol, et à diffuser les images sur les réseaux sous les hashtags « Harragas » (terme qui signifie « brûleurs de frontières » en français et qui désigne les migrants maghrébins) ou « Ceuta ».
Ces récits enjolivés ne sont pas sans conséquences. En montrant la traversée à la nage vers Ceuta de cette façon, les TikTokeurs omettent de raconter les risques et les drames qui peuvent se produire dans ces eaux. La distance qui sépare l’enclave espagnole du territoire marocain a beau être courte, le trajet n’en est pas moins risqué. Les forts courants et les rochers le long du rivage rendent le parcours particulièrement dangereux.
Le 14 août, un corps sans vie, très probablement celui d’un exilé, a été retrouvé dans les douves qui bordent les murailles royales de Ceuta, et qui ont un accès direct sur la mer Méditerranée. Sur une vidéo postée sur X par un journaliste espagnol, on peut voir le cadavre encore vêtu d’une combinaison en néoprène et chaussé de palmes bleu clair. Une semaine avant, un autre cadavre a été découvert à 800m de la plage de Chorrillo, à l’est de Ceuta. Le corps, « en état de décomposition avancé », portait lui aussi une combinaison en néoprène.