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Visant l’Eldorado occidental, des milliers de migrants traversent chaque année une longue route infernale en espérant arriver à la destination de rêve dont on leur a toujours parlé. Les images idylliques d’une vie en rose, promise une fois en Europe, laissent finalement place à la déception et un cumul massif de cadavres et de disparitions, jour après jour.
A Oujda, deux sorts attendent les migrants soudanais, la mort ou le vagabondage. Pour arriver au Maroc, ils entament ce qu’ils appellent le « voyage de la mort ». Ils utilisent toutes sortes de moyens pour leur traversée en provenance du Soudan, passant par la Libye, de là en Algérie pour arriver ensuite au pays de transit, le Maroc.
Un large groupe de migrants soudanais se sont retrouvés dans des situations lamentables dans la ville du nord-est après avoir fui la guerre interethnique qui enflamme leur pays. Malades, fatigués ou entre la vie et la mort, ces derniers reprennent leurs souffles en se réfugiant dans des allées poussiéreuses sous un toit en carton.
Dans une investigation menée sur le terrain par Hespress, Al-Mahdi Tomer Adel, réfugié qui arrive du Darfour et installé à Oujda depuis cinq mois, a partagé son voyage douloureux. « Un véhicule à quatre roues motrices nous a amenés dans la ville tchadienne de Tina, et de là nous nous sommes déplacés vers la ville d’Abéché, puis nous nous sommes dirigés vers un village, mais nous avons été vendus à un gang tchadien qui nous a mis dans une maison en terre au milieu d’un désert aride, appelé le Tarkina. Ils nous ont laissé dans le désert solitaire, sans nourriture ni eau », raconte-t-il.
Son corps maigre et affaibli souffre toujours de plusieurs fractures après avoir été sévèrement torturé par deux gangs libyens. Ils l’ont kidnappé et l’ont mis en vente au marché des esclaves. Une torture cruelle qui ne s’effacera jamais de sa mémoire. « Nous étions 10 amis, mais peu de temps après, trois personnes sont mortes », poursuit Tomer Adel, avant d’ajouter: « Nous avions soif, et la mort s’approchait de plus en plus. Au sixième jour, le nombre de morts a atteint sept et trois personnes sont restées en vie. C’était de notre dernier souffle, nous nous préparions à accueillir la mort, avant que le chef du gang ne revienne à la maison et décide de nous vendre un autre gang libyen qui nous a déportés vers la ville de Benghazi, puis à Tripoli ».
Malik Aldijawi, responsable du programme d’immigration irrégulière en Libye, qualifie ces violations humanitaires de « douloureuse et difficile ». Il ajoute dans une déclaration à Hespress que cela ne « se s’achève qu’avec le versement d’une somme d’argent pouvant atteindre les 15.000 dollars par personne ». « Les trafiquants d’êtres humains ont une coordination conjointe entre les pays de transit des migrants, à savoir le Soudan, la Libye, l’Algérie et le Maroc », précise-t-il.
Toutefois, la traversée des migrants ne se déroule plus à la « traditionnelle », mais plutôt via les réseaux sociaux et les organisations secrètes en ligne.
L’investigation a révélé la présence d’un groupe secret incluant plus de 5.000 Soudanais, qui s’avère être plus ou moins un réseau criminel qui offre une sorte de forum aux participants, leur permettant de poser toutes les questions sur le processus de migration et d’obtenir les réponses exactes qu’ils cherchent en passant aux conversations privatisées.
Dans une publication du groupe en question, un utilisateur optant pour un faux compte a révélé les étapes exactes pour passer en cachette de l’Algérie au Maroc. Le trajet commence de la ville libyenne Ghadames vers la ville algérienne Debdeb pour un montant de 120 euros et continue par la suite vers Ouargla pour 90 euros, puis vers Alger pour 70 euros. Une fois à Oran, le migrant pourrait se permettre de prendre un petit taxi vers Maghnia pour un seul euro afin d’atteindre finalement Jebel Zoi qui mène au Maroc.
D’autres trajets ont été également partagés précisant les mêmes détails pour une traversée réussie, en revanche, la réalité reste dure à appréhender. Pas de maison, pas de travail et pas de moyen pour soigner la maladie ou la blessure « emportés » lors du voyage qui finit souvent par plusieurs fatalités.