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La migration clandestine est un fléau mondial qui représente des enjeux sociaux, économiques, politiques, sécuritaires. Elle est également lucrative.
Ce phénomène prend de plus en plus d’ampleur et favorise d’autres formes de criminalité. Lors de la période de Covid-19, les réseaux de migration irrégulière ont été freinés par les restrictions sanitaires. Cela a donné lieu à de nouveaux phénomènes, comme celui des «come-back» pour fuir la pandémie qui a connu un pic en Espagne durant cette phase.
En effet, dans son dernier numéro du mois de décembre, la revue de la police revient sur le bilan de la DGSN pendant la crise de Covid-19 et les démantèlements des réseaux de migration irrégulière dans ce contexte. Les détails.
Changement de mode opératoire des organisateurs
De par sa position géostratégique, le Maroc est doublement touché puisqu’il est à la fois un pays de départ et un pays d’accueil. Ainsi, plusieurs réseaux opérant dans la migration clandestine ont été interceptés par les autorités. Pour Abdeslam Benali, commissaire divisionnaire, chef de lutte contre la migration irrégulière à la direction de la Police judiciaire, «la déclaration de l’état d’urgence sanitaire et les mesures de confinement et de restrictions des déplacements ont eu des retentissements sur le phénomène de la migration irrégulière.
En effet, depuis mars jusqu’à la mi-juin, la fermeture des frontières ainsi que les informations relayées par les médias sur le danger de la maladie ont freiné l’activité de ces trafiquants, qui se sont tournés vers le sud du Maroc» ajoutant que durant cette période, les services de police ont pu démanteler huit réseaux de petite taille. «On a même assisté à un phénomène jamais vu auparavant, celui des «come-back» de l’Europe vers le Maroc», relève le responsable. Après le déconfinement, l’activité criminelle a repris. Néanmoins, les services de police ont démantelé durant le mois d’octobre 2020, 41 réseaux au stade précoce de l’opération et les organisateurs interpellés. «Pour ce qui est des itinéraires empruntés, on a constaté l’apparition d’opérations à partir des côtes atlantiques de Casablanca, El Jadida et Mohammedia. Concernant les modes opératoires adoptés, ils diffèrent par zone géographique. Au niveau du Nord et de l’Oriental, c’est la voie maritime utilisant des zodiacs et de bateaux pneumatiques ; au niveau de Casablanca-El Jadida, les embarcations traditionnelles en bois ; au niveau du Sud, les embarcations de deux modes sont adoptées ; alors qu’au niveau postes-frontières terrestres, l’usage de faux documents prédomine», indique M. Benali.
Réseaux clandestins démantelés
La police judiciaire a démantelé 100 réseaux du 1er janvier au 31 octobre 2020 avec l’arrestation et la présentation à la justice de 357 organisateurs ainsi que 7.299 candidats à l’émigration irrégulière dont 2.342 marocains et 4.957 étrangers qui s’apprêtaient à rejoindre clandestinement les côtes espagnoles. A cela s’ajoute la saisie de 39 embarcations, 31 motogodilles, 204 téléphones portables, 38 véhicules, 21 GPS et boussoles, 5.700 litres de carburant, et 551.625 dirhams, 7.140 euros et 15.000 CFA. Bien que le nombre d’affaires traitées en 2020 comparé à 2019 soit en baisse (54%), le nombre de réseaux démantelés est en hausse de 66%.
Décryptant l’évolution de la migration clandestine en 2020, il ressort deux phases distinctes. La première s’étale du mois de mars au mois de mai 2020. Les restrictions de l’état d’urgence ont impacté les opérations d’émigration irrégulière par voie maritime atlantique et méditerranéenne mais aussi l’usage de faux documents de voyage. Dans ce sens, la suspension des trafics aérien, maritime et terrestre a poussé les réseaux de la fraude documentaire à geler leurs activités de faux et usage de faux, et à s’orienter vers des modes alternatifs, notamment les opérations de voyage clandestin via les eaux maritimes. Pour ce qui est de la deuxième phase, celle-ci va du mois de juin au 10 octobre 2020. Au cours de cette période, on compte à 54 le nombre de réseaux qui ont été démantelés contre 23 et 16 réseaux successivement en 2019 et 2018. «Cette période a été caractérisée par l’avortement de plusieurs projets d’émigration irrégulière à leur stade embryonnaire, ce qui explique le nombre élevé de réseaux démantelés et des organisations arrêtées, et ce grâce à des actions anticipatives menées conjointement avec les services de la Direction générale de la surveillance du territoire, notamment au niveau des provinces du Sud du Maroc», précise-t-on. Durant cette période, le nombre de candidats arrêtés a presque triplé. Il est passé de 985 candidats durant les mois de mars, avril et juin à 2.975 durant les autres mois jusqu’à octobre.
Beaucoup de candidats à la migration irrégulière sont victimes d’escrocs qui profitent de leur position de faiblesse. Pour duper leurs victimes et leur soutirer de l’argent, les escrocs usent de tous les moyens. Les services de police ont pu démanteler les réseaux opérant dans les deux régions distinctes. Ainsi, dans le nord du pays, ces escrocs invitent les candidats à des rencontres dans des endroits discrets, tels que les forêts. Une fois arrivés au lieu du rendez-vous, ils les délestent des biens qu’ils portent sur eux, sous la menace d’armes blanches. Le deuxième mode opératoire est détecté au centre du Royaume (Casablanca, Rabat, Kénitra) et consiste à collecter des sommes d’argent convenues auprès des candidats en leur promettant de les faire passer à l’autre rive de la Méditerranée avant de disparaître dans la nature.
Les éléments de la police ont constaté l’apparition de nouveaux phénomènes liés à cette crise sanitaire. Ainsi des candidats ayant réussi à rejoindre les côtes européennes ont fait le chemin de retour. Ces «come-back» concernent 23 migrants marocains qui avaient accédé à Sebta avant la déclaration de l’état d’urgence sanitaire, et qui ont fait le chemin inverse pour fuir la pandémie, qui avait connu un pic important en Espagne. Ces derniers ont rejoint à la nage la ville de Fnideq et avaient été placés en quarantaine.