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Repères Les chantiers d’édification de clôtures par la Pologne et la Lituanie en ce début d’année 2022, visant à bloquer l’afflux de migrants à leur frontière avec la Biélorussie, témoignent de la multiplication des dispositifs anti-migrants sur le continent européen depuis les années 2000.
♦ Date de construction : fin des années 1990
♦ Initiative du projet : gouvernement espagnol
♦ Origine du flux migratoire bloqué : Afrique subsaharienne et Maghreb
Longue d’environ huit kilomètres, la barrière de Ceuta matérialise, avec celle de Melilla, l’une des deux frontières terrestres entre l’Afrique et l’Europe. Sa construction s’est étalée dans les années 1990 et a notamment été renforcée à l’automne 1995.
→ DÉBAT. Les murs peuvent-ils arrêter les migrants ?
Ceuta est une presqu’île en grande partie bordée par la mer Méditerranée. Une double enceinte grillagée – dont la hauteur atteint 10 mètres à certains endroits, après plusieurs rehaussements – est surmontée de barbelés côté espagnol. Côté marocain, une clôture de 2,50 m représente un premier obstacle. Des patrouilles de part et d’autre délimitent une zone neutre entre les deux. Des milliers de migrants, du Maghreb et d’Afrique subsaharienne, tentent malgré tout de la franchir chaque année.
En mai 2021, environ 10 000 migrants – un afflux sans précédent – sont parvenus à pénétrer dans l’enclave espagnole, sur fond de tensions diplomatiques entre le Maroc et l’Espagne. La plupart d’entre eux ont été renvoyés vers le royaume chérifien dans les jours qui ont suivi.
L’autre enclave espagnole, Melilla, est elle aussi isolée par une barrière physique de près de 12 kilomètres, construite le long de sa frontière avec le Maroc depuis 1993, puis rehaussée ou renforcée au fil du temps. En juillet 2021, plus de 200 migrants en provenance d’Afrique subsaharienne ont franchi la clôture, deux mois après l’épisode de Ceuta, un autre record selon les autorités espagnoles.
♦ Date de construction : 2012
♦ Initiative du projet : gouvernement grec
♦ Origine du flux migratoire bloqué : Afrique, Proche et Moyen-Orient
La frontière entre les deux pays est le théâtre de crispations régulières. En février 2012, la Grèce a lancé la construction d’un mur de barbelés sur un peu plus de 12 kilomètres de frontière terrestre avec la Turquie, dans la région du fleuve Evros– le reste de la frontière étant difficilement franchissable. En octobre 2021, un nouveau mur métallique de 40 kilomètres a été finalisé, et des drones ont été utilisés alors que de nombreux Afghanstentaient de passer, après la prise de Kaboul par les talibans.
→ ANALYSE. En Grèce, des refoulements de migrants quasi quotidiens
♦ Date de construction : 2014
♦ Initiative du projet : gouvernement bulgare
♦ Origine du flux migratoire bloqué : Proche et Moyen-Orient
Après une hausse du nombre de migrants liée à la crise syrienne, la Bulgarie a finalisé, à l’été 2014, le long de sa frontière avec la Turquie, la construction d’une clôture de trois mètres de haut et de 30 kilomètres de long, avec un ajout de fils barbelés. Cinq mois plus tard, le gouvernement bulgare a annoncé une extension de 130 kilomètres. Le dispositif a été également renforcé par des caméras et le déploiement de gardes-frontières.
♦ Date de construction : 2015
♦ Initiative du projet : gouvernement hongrois
♦ Origine du flux migratoire bloqué : Proche et Moyen-Orient
Lors du pic de la « crise migratoire » en Europe en 2015, la Hongrie a fait face à un afflux de centaines de milliers de migrants prenant la direction de l’Europe du Nord. Estimant que l’Union européenne ne faisait pas le nécessaire pour contenir ces flux, elle a pris la décision – controversée en Europe – de clôturer, dès l’été 2015, sa frontière avec la Serbie. Elle a ainsi construit deux palissades métalliques de 175 kilomètres avec barbelés, matériels électroniques et patrouilles pour fermer le principal point d’accès des migrants. Depuis, les franchissements de la frontière ont bien diminué, mais le gouvernement hongrois a doublé sa clôture au printemps 2017.
♦ Date de construction : 2015
♦ Initiative du projet : gouvernement hongrois
♦ Origine du flux migratoire bloqué : Proche et Moyen-Orient
Après la Serbie, la Hongrie a mis en place, en septembre 2015, deux portions de grillage (environ 40 et 80 kilomètres) et de barbelés entre son pays et la Croatie pour faire face au nouveau cheminement des migrants dans la route des Balkans. Une partie de la frontière (de plus de 300 kilomètres) entre les deux États est délimitée par une rivière, ce qui la rend, dans cette partie, difficilement franchissable.
♦ Date de construction : 2015
♦ Initiative du projet : gouvernement slovène
♦ Origine du flux migratoire bloqué : Proche et Moyen-Orient
La Slovénie a également été confrontée à une forte pression migratoire au milieu des années 2010. Elle a dressé à partir de novembre 2015 des rangées discontinues de barbelés sur 80 kilomètres, essentiellement à la partie sud-est de sa frontière avec la Croatie, et déployé l’armée afin de stopper des points stratégiques de passage de migrants. Depuis, plusieurs extensions ont été réalisées, et une barrière faite de grillages, et parfois de barbelés, ferme désormais plus de 210 kilomètres d’une frontière qui en fait environ le triple, et qui est difficilement franchissable en raison de plusieurs cours d’eau (Kolpa, Drave, Mur).
Au nord de la Slovénie, l’Autriche a érigé une clôture de près de 4 kilomètres en décembre 2015 au poste d’entrée de Spielfeld, entre les deux États, après avoir envisagé quelques mois plus tôt une fermeture totale de sa frontière.
♦ Date de construction : 2015
♦ Initiative du projet : gouvernement macédonien
♦ Origine du flux migratoire bloqué : Proche et Moyen-Orient
La construction d’une clôture de 2,50 mètres de haut avec barbelés entre la Grèce et la Macédoine du Nord, État issu de l’ex-Yougoslavie, a débuté en novembre 2015. Celle-ci avait pour but d’endiguer le flux de migrants qui tentaient de quitter laGrèce à ce moment-là. À peine trois mois plus tard, une nouvelle clôture de plusieurs dizaines de kilomètres a accentué l’imperméabilisation de la frontière. La conséquence de ces fermetures a été la formation jusqu’en mai 2016, puis à des périodes ultérieures, d’un camp improvisé de milliers de migrants à Idomeni, un petit village du nord de la Grèce.
→ RELIRE. Des barbelés dans les Balkans, un cauchemar pour les locaux
♦ Date de construction : années 2010
♦ Initiative des projets : gouvernement britannique, gouvernement français
♦ Origine du flux migratoire bloqué : Proche et Moyen-Orient, Afrique
Au fil des années 2010, de nombreux ajouts de barrières et de grillages ont été réalisés à Calais, à proximité du port, du tunnel sous la Manche, ou d’autres lieux stratégiques pour empêcher des migrants de diverses nationalités de rejoindre la Grande-Bretagne. Un mur végétalisé « anti-intrusions » de 4 mètres de hauteur et un kilomètre de longueur, érigé à l’automne 2016, a été financé par le Royaume-Uni. La ville du Pas-de-Calais, sa zone portuaire et plusieurs axes routiers sont désormais sillonnés de dizaines de kilomètres de clôtures.
→ ANALYSE. Entre Paris et Londres, la mésentente sur les migrants
♦ Date de construction : 2021
♦ Initiative du projet : gouvernement polonais
♦ Origine du flux migratoire bloqué : Proche et Moyen-Orient, Afrique
→ RELIRE. Crise des migrants : l’Europe durcit le ton face à la Biélorussie
Durant l’été 2021, la Biélorussie a ouvert ses portes à des milliers de migrants, pour protester contre le refus de l’Union européenne de reconnaître le résultat de l’élection présidentielle d’août 2020, confisqué par le président sortant Alexandre Loukachenko. L’UE dénoncera cette façon d’utiliser les migrants comme une « arme diplomatique ».
Dès juillet 2021, la Pologne installe des barbelés et déploie des milliers de soldats le long de sa frontière avec la Biélorussie, avant de renforcer son dispositif début septembre par une clôture de 2,50 mètres de haut. Finalement, elle décide la construction d’un mur. Début janvier 2022, le gouvernement polonais confirme le lancement de sa construction sur près de 190 kilomètres. Le chantier colossal de ce nouveau mur anti-migrants a été lancé mardi 25 janvier.
♦ Date de construction : 2021
♦ Initiative du projet : gouvernement lituanien
♦ Origine du flux migratoire bloqué : Proche et Moyen-Orient, Afrique
Durant l’été 2021, la Lituanie a connu le même afflux de migrants en provenance de la Biélorussie que la Pologne. Vilnius a annoncé en juillet sa volonté de construire un mur à la frontière. Les premières clôtures en barbelés ont été installées en septembre, et 110 kilomètres de séparation (barrières et barbelés d’une hauteur de 4 mètres) entre les deux États doivent voir le jour d’ici à avril 2022.
→ REPORTAGE. Migrants : la Lituanie aussi érige des barrières aux frontières
♦ Date de construction : 2022
♦ Initiative du projet : gouvernement letton
♦ Origine du flux migratoire bloqué : Proche et Moyen-Orient, Afrique
En 2017, la Lettonie avait démarré la construction d’un grillage surmonté de barbelés le long de sa frontière avec la Russie sur plusieurs dizaines de kilomètres. En novembre 2021, le Parlement a adopté une loi relative à la constructiond’une clôture de 136 km de long le long de sa frontière avec la Biélorussie. Ce projet devrait coûter environ 28 millions d’euros.
► D’autres séparations physiques existent sur le continent européen, mais n’ont pas pour but principal de stopper des migrations : elles visent à réduire les trafics, ou à séparer les belligérants dans des conflits armés passés ou actuels, comme à Belfast, en Irlande du Nord, ou sur l’île de Chypre.
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En octobre 2021, les ministres de l’intérieur de douze pays européens (Autriche, Bulgarie, Chypre, Danemark, Estonie, Grèce, Hongrie, Lituanie, Lettonie, Pologne, République tchèque et Slovaquie) ont demandé à la Commission européenne un financement pour la construction de clôtures à leurs frontières. La présidente de la Commission Ursula von der Leyen a refusé cette requête. « J’ai été très claire sur le fait qu’il y a une position commune de longue date de la Commission et du Parlement européen sur le fait qu’il n’y aura pas de financement de barbelés et de murs », a-t-elle indiqué le 22 octobre, lors d’un sommet à Bruxelles.