En ce qui concerne les pays riverains, il n’y avait pas de doute, il y avait une envie de faire. En ce qui concerne les pays d’Europe non riverains, la situation était différente. Globalement, tous avaient envie de parler de la Méditerranée surtout depuis l’apparition du problème migratoire. D’une part, les problèmes migratoires leur ont fait comprendre que cette zone n’était pas une frontière étanche et d’autre part, ils ont intérêt, même s’ils sont loin au Nord, de travailler avec les pays de l’Afrique du Nord et de l’Afrique subsaharienne. C’est le cas notamment de l’Allemagne.
Normalement, dans le sommet des deux Rives, il n’y a pas l’Allemagne mais nous y avons pensé. En plus de l’Union européenne, des institutions internationales et autres organisations économiques internationales.
La Méditerranée, ce n’est pas seulement un rêve français. Premièrement, avec la crise migratoire de 2015, il y a eu une prise de conscience de ce qui se passe au Sud de la Méditerranée. Cela a été très important pour nous, même pour les pays du Nord de l’Europe et deuxièmement parce que les gens n’ont pas envie de parler uniquement de la migration.
Si on fait l’historique de ces différents sommets sur la Méditerranée depuis le processus de Barcelone avec Jacques Chirac, l’Union pour la Méditerranée avec Nicolas Sarkozy et le Sommet des 2 Rives avec Emmanuel Macron, ce sont toujours des présidents français qui portent ce projet vers les autres pays européens.
En Europe, on est sur divers sujets, on a été une force de propositions. Parfois, ça a marché et parfois non. Si vous prenez un projet auquel j’ai le plaisir de participer, à savoir le projet de l’Union communautaire de la monnaie unique, il a été initié par les français. C’est un peu le tempérament national. Vous avez raison de citer Chirac et Sarkozy, le président Hollande a été un peu prudent sur ce sujet, il n’a pas tellement parlé de la Méditerranée sauf quand il y avait la crise migratoire. En revanche, le président Macron en a parlé dans la perspective de changer la méthode. La différence est fondamentale, on n‘est plus uniquement dans l’intergouvernemental, il y a aussi cet mécanisme très compliqué au sein duquel on a donné le pouvoir à 100 personnalités qualifiées.
C’est donner l’initiative à la société civile ?
Oui au sens large du terme, ce sont les ONG, les entreprises, les chercheurs et différents acteurs en plus des collectivités locales.
Quel est le bilan de cette initiative ?
Le sommet qui s’est tenu il y a 5 mois à Marseille s’est bien déroulé. De nombreuses initiatives ont vu le jour à tous les niveaux. Nous sommes en train de mettre en forme tout cela, de voir ceux qui peuvent prospérer, de tenter de mettre en contact les porteurs de projets avec les organismes financiers. L’un des projets qui prospère assez bien est porté par Emerging Valley et s’appelle Emerging méditerranéen. Il propose de mettre en réseau les incubateurs de start-up dans la zone méditerranéenne.
Vous avez, d’un côté, les ONG qui travaillent avec l’intergouvernemental et qui sont habituées à présenter des projets conformes aux attentes des Etats. Et de l’autre, il y a des jeunes qui manquent d’expérience. Ils ont lancé des initiatives et il faut mettre tout cela en forme.
Dans ce projet-là, la France n’est pas toute seule, il faut qu’elle le fasse d’une manière inclusive. Le but du président de la République est d’être moins prospectif. Cela prend du temps.
Le Maroc a toujours été un partenaire de la France en matière de politique méditerranéenne. Comment qualifiez- vous cette relation ?
Elle est excellente. Nous avons bien travaillé avec le Maroc. Mais ce que je trouve formidable, c’est que dans ce sommet à dix, on ne travaille pas au niveau bilatéral mais plutôt à dix, ce n’est pas évident et on y arrive. Les relations bilatérales avec le Maroc sont excellentes, mais dans ce format (5+5), on est dans le multilatéralisme. Tous les pays doivent mettre leur drapeau national de côté. La France et le Maroc n’ont pas besoin de ce format pour se rencontrer, mais le Maroc, la Tunisie, l’Italie, l’Espagne ont besoin de cela. Le passage du bilatéralisme au multilatéralisme est aussi à définir.