12.12.2019 | Décembre 2018, près de 190 pays membres de l’ONU se réunissaient à Marrakech pour signer le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières. Un an après l’adoption de ce texte censé améliorer la gouvernance de la migration au niveau mondial, rien de concret n’a toujours été fait, estime Boubkeur Largou. Pour le président de l’Organisation marocaine des droits humains (OMDH), si le Maroc a abrité la conférence qui a vu la signature de ce texte «historique», il est encore à la case départ en matière d’application du pacte. Pour lui, l’application de ce pacte au royaume dépend de l’adoption de la loi sur l’asile et l’immigration qui tarde depuis quatre ans.
Du 10 au 11 décembre 2018, la ville ocre accueillait près de 190 pays du monde entier dans le cadre d’une conférence intergouvernementale pour adopter le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières. Le 19 décembre, le texte était formellement adopté par l’Assemblée générale des Nations-Unies, marquant ainsi un tournant décisif dans la gouvernance de la question migratoire à l’échelle internationale. L’objectif étant de mettre fin à la gestion éparse et sporadique de la migration et de favoriser le multilatéralisme pour une meilleure gouvernance de la migration dans tous les pays du monde. Si le Pacte avait été salué, notamment par l’ONU et certains pays, il avait été, dès le début des consultations pour son élaboration, la cible de nombreuses critiques. Plusieurs pays avaient ainsi avancé que le Pacte, bien que non contraignant, était une atteinte à la souveraineté des Etats. Parmi ces pays figuraient les Etats-Unis, la Hongrie, la Pologne, l’Australie… Malgré toutes ces oppositions, le Pacte avait finalement été adopté le 19 décembre 2019 à New-York par 152 pays pour, 5 contre et 12 abstentions.
Un an après l’adoption de ce pacte, les craintes affichées dès le début par la société civile quant à la non application de ce texte du fait de son caractère non contraignant, semblent s’être réalisées. Du moins pour cette première année. Boubkeur Largou estime de ce fait que depuis un an, le Pacte n’est pas encore appliqué par la plupart des pays signataires. D’ailleurs, plusieurs rencontres sont organisées dans cette optique. Une rencontre sera organisée du 16 au 18 décembre à Genève sur le sujet. Mais pour l’acteur associatif, la réussite de pareilles rencontres autour du pacte ne pourrait avoir lieu tant que les Etats n’ont pas adapté leur législation au 23 objectifs du pacte de Marrakech. Ainsi pour le Maroc, le président de l’OMDH estime que le Maroc est encore à la traine en matière d’application de ce pacte, puisqu’il n’a pas toujours adopté la loi sur l’asile et l’immgration. Un texte indispensable pour gérer la migration au Maroc.
Pour Boubkeur, le Maroc doit faire un pas en avant pour la gouvernance de la migration. S’il est vrai que le royaume s’est distingué par les campagnes de régularisation des étrangers en situation irrégulière, il devrait aller au bout de sa politique migratoire. « Malgré que le Maroc ait octroyé des cartes de séjour à plus de 50 000 immigrés en situation clandestine, le problème n’a toujours pas été résolu », explique-t-il. « Aujourd’hui, plusieurs migrants ont la carte de séjour et n’arrivent pas à avoir un travail », confie –t-il. Sans oublier que la migration irrégulière continue à prendre de l’ampleur, puisqu’elle constitue 15 à 20% de la migration. Pour le président de l’OMDH, l’application des dispositions du Pacte mondial au Maroc dépend de l’adoption de la loi sur l’asile et l’immigration, qui est en attente depuis quatre ans. « Il est nécessaire que ce texte soit adapté à la Constitution, aux conventions internationales et aux engagements du Maroc », ajoute-t-il.
Si en un an, l’application du pacte n’est pas encore effective au Maroc et dans d’autres pays signataires, il n’en demeure pas moins, qu’il comporte de nombreux avantages pour les migrants, explique Boubker. Il permet entre autres aux migrants, notamment ceux en situation régulière de faire des transferts de fonds vers leurs pays d’origine. D’où l’intérêt de mettre en place les conditions favorables pour sa mise en application. Danielle Engolo
23 Objectifs pour des migrations sûres, ordonnées et régulières
1. Collecter et utiliser des données précises et ventilées qui serviront à l’élaboration de politiques fondées sur la connaissance des faits
2. Lutter contre les facteurs négatifs et les problèmes structurels qui poussent des personnes à quitter leur pays d’origine
3. Fournir dans les meilleurs délais des informations exactes à toutes les étapes de la migration
4. Munir tous les migrants d’une preuve d’identité légale et de papiers adéquats
5. Faire en sorte que les filières de migration régulière soient accessibles et plus souples
6. Favoriser des pratiques de recrutement justes et éthiques et assurer les conditions d’un travail décent
7. S’attaquer aux facteurs de vulnérabilité liés aux migrations et les réduire
8. Sauver des vies et mettre en place une action internationale coordonnée pour retrouver les migrants disparus
9. Renforcer l’action transnationale face au trafic de migrants
10. Prévenir, combattre et éliminer la traite de personnes dans le cadre des migrations internationales
11. Gérer les frontières de manière intégrée, sûre et coordonnée
12. Veiller à l’invariabilité et à la prévisibilité des procédures migratoires pour assurer des contrôles, des évaluations et une orientation appropriés
13. Ne recourir au placement en rétention administrative des migrants qu’en dernier ressort et chercher des solutions de rechange
14. Renforcer la protection, l’assistance et la coopération consulaires tout au long du cycle migratoire
15. Assurer l’accès des migrants aux services de base
16. Donner aux migrants et aux sociétés des moyens en faveur de la pleine intégration et de la cohésion sociale
17. Éliminer toutes les formes de discrimination et encourager un débat public fondé sur l’analyse des faits afin de faire évoluer la manière dont les migrations sont perçues.
18. Investir dans le perfectionnement des compétences et faciliter la reconnaissance mutuelle des aptitudes, qualifications et compétences
19. Créer les conditions permettant aux migrants et aux diasporas de contribuer pleinement au développement durable dans tous les pays
20. Rendre les envois de fonds plus rapides, plus sûrs et moins coûteux et favoriser l’inclusion financière des migrants
21. Coopérer en vue de faciliter le retour et la réadmission des migrants en toute sécurité et dignité, ainsi que leur réintégration durable
22. Mettre en place des mécanismes de portabilité des droits de sécurité sociale et des avantages acquis
23. Renforcer la coopération internationale et les partenariats mondiaux pour des migrations sûres, ordonnées et régulières